Il y a dix ans, l’Institut Montaigne sonnait déjà l’alarme : une fracture s’ouvrait entre une partie de la jeunesse musulmane et la société française.
Le rapport Un islam français est possible disait déjà que prés d’un tiers (28%) des musulmans voulait une forme de sécessionnisme politique et social, ce qui représentait 20% des plus de 40 ans mais la moitié des plus jeunes[1]
À l’époque, beaucoup ont levé les yeux au ciel. On a accusé l’étude d’exagérer, de « pathologiser » une minorité. On parlait pudiquement de « séparatisme », de « sécessionnisme culturel », de « radicalité identitaire », d’« islamisation de la radicalité ». On a rassuré dans les couloirs ministériels : circulez, il n’y a rien à voir.
Deux ans plus tard en 2018 les services de renseignement français disaient exactement la même chose et prévenaient l’Etat que « 53% des français de confession musulmane pratiquent un islam “conservateur” voire “autoritaire” qui confine à une forme de sécessionnisme politique et social pour 28% d’entre eux. Le “marché du croire” devient un oligopole partagé entre les factions islamistes dont l’influence est la plus néfaste »[2]
Dix ans plus tard, les chiffres de ce matin donnent un goût amer de déjà-vu — mais en pire. Les données publiées ce matin sont alarmantes.
Elles montrent surtout que la digue générationnelle a cédé.
Une jeunesse musulmane en rupture : des chiffres qui claquent comme des gifles
Et on se dit que la République ferait bien de se réveiller. Elles disent ceci pour les moins de 25 ans :
- 57 % des 15-24 ans musulmans estiment que les règles de l’islam priment sur les lois de la France.
- 42 % approuvent des positions islamistes.
- 42 % expriment une sympathie pour AU MOINS une mouvance islamiste.
- 32 % se sentent proches des Frères musulmans.
- 59 % pensent que la charia doit pouvoir s’appliquer dans des pays non musulmans.
- 45 % des jeunes femmes sont voilées.
- 67 % de ces jeunes prient quotidiennement, 40 % vont à la mosquée.
- 83 % accomplissent intégralement le ramadan.
- 43 % refusent un contact physique ou même visuel avec l’autre sexe.
On pérorera sur ces « tendances » à perte de vue sur BFM. La télévision publique les étouffera.
Il s’agit pourtant d’un tournant idéologique. Un « changement de civilisation », diront certains. Une « radicalisation identitaire silencieuse », diront les plus prudents.
Mais le rapport lui-même parle d’une ré-islamisation profonde. Une réislamisation des musulmans qui ne se contente plus de rites, mais s’attaque à la modernité, à la science, à la loi civile. En clair ce n’est plus un symptôme, c’est un projet de société.
Et non, il n’est pas « islamophobe » de constater que l’islamisme avance. Non, il n’est pas « stigmatisant » de dire que certains chiffres sont inquiétants. Non, ce n’est pas « diviser » que de dénoncer un séparatisme idéologique directement lié à la haine des juifs.
Ce qui divise, ce qui fragmente, ce qui fracture, c’est : la lâcheté, l’omerta, la peur panique de nommer les choses, mais surtout le grand sport pratiqué par toutes les élites françaises : ne s’indigner qu’une fois la catastrophe accomplie.
Les “chibanis” (cheveux blancs), dernier bastion d’un islam apaisé
Les chiffres sont encore plus éloquents lorsqu’on les compare à la génération des plus de 50 ans :
- 44 % prient cinq fois par jour (contre 67 % des jeunes).
- 24 % vont régulièrement à la mosquée (contre 40 %).
- 16 % des femmes sont voilées (contre 45 %).
- 27 % refusent le contact inter-sexes (contre 55 %).
Les « chibanis » avaient apporté un islam enraciné dans la France, dans le travail, dans une sociabilité humble. Ils n’étaient pas parfaits, mais ils n’étaient pas séparés. Ils voulaient un Islam enraciné dans les valeurs et la Tradition du Maghreb et une intégration sociale républicaine.
Ce sont des femmes musulmanes magrébines ou africaines qui soignent nos mères dans les EPHAD. Ce sont les chibanis souvent kabyles qui ont oeuvré dans les taxis et les cafés, repoussés par les Chinois aujourd’hui. Peu de français « de souche » sont capables de cette humanité. Et la Torah dit : « Tu te lèveras devant les cheveux blancs, et tu honoreras la personne du vieillard. Tu craindras ton D.ieu » (Lv 19, 32)
Mais voilà l’islam politique mondial / islamisme 2.0 se porte bien et il promet « l’islam c’est la solution » à tous les problèmes de la jeunesse qui a vu ses parents peu reconnus.
La nouvelle génération, elle, ne cherche donc plus à composer. Elle impose : sa vision, ses codes, sa hiérarchie des normes. C’est la République qui doit s’adapter. Pas l’inverse.
Et au milieu ? La communauté juive, dans la ligne de mire
Le Coran et les textes classiques contiennent : des passages favorables aux « gens du Livre » (juifs et chrétiens), des passages critiques contre des tribus juives contemporaines de Mahomet (Banu Qurayza, Banu Nadir, etc.). Ces textes ont été réinterprétés selon les époques.
Mais avec l’Islam politique né il y a moins d’un siècle les mouvements islamistes actuels ont intégré un discours antijuif radical. Des versets sur les conflits du VIIe siècle sont transformés en hostilité éternelle envers les Juifs.
« La cible de l’islam c’est l’Etat… mais les juifs sont dans sa ligne de mire »
… nous ont répété les juges antiterroristes dans nos interviews.
Et malheureusement l’islam politique, c’est-à-dire l’islamisme, s’est construit sur un logiciel profondément antisémite. Cela ne signifie pas que chaque jeune pratiquant partage cette hostilité, mais que les idéologies auxquelles une partie d’entre eux se disent « sympathisants » en sont saturées. Bien sûr le djihadisme n’est pas à confondre avec l’islamisme. La plupart des actes antisémites violents en France depuis 20 ans sont liés à des individus se réclamant de la mouvance salafo-djhiadiste. Le Frères musulmans sont des personnes pacifiques et après tout la pratique religieuse permet de structurer une vie de manière altruiste … mais le projet est de conquérir l’Etat par le terrain par un travail de soutien scolaire, d’aide aux démunis, de sport, d’associations, etc…
Et lorsque l’islamisme gagne du terrain, que la charia devient une norme légitime, quand la mixité est rejetée, et que la République devient « secondaire », ce sont toujours les juifs qui payent les premiers.
Ils l’ont payé dans les écoles. Dans les quartiers. Dans les rues. Dans les cimetières. Dans les hypermarchés. Dans les synagogues. Le pays entier le sait et se tait dès que les Juifs parlent. Ou fait mine de ne pas comprendre.
Dans ce contexte, la communauté juive n’est ni spectatrice ni simple « communauté parmi d’autres ». En France, les Juifs sont le canari dans la mine : quand il étouffe, c’est que l’air se charge de gaz toxique. Il ne s’agit pas d’une « affaire juive ». Non, ce qui est en jeu dépasse largement la sécurité d’une seule communauté.
La génération des chibanis disparaît. Une nouvelle génération arrive, largement fascinée par une vision politico-religieuse liée à l’antisémitisme. Lorsque la jeunesse se détourne de la République et va vers l’islamisme, ce sont les Juifs qui trinquent en premier. Et lorsque les juifs trinquent, la France ne tarde jamais à suivre.
Didier Meir Long
essayiste, écrivain et théologien français
[1] Hakim El Karoui, Un islam français est possible, Institut Montaigne, Septembre 2016. Pp 27 et 28.
[2] Etats des lieux de la pénétration de l’Islam fondamentaliste en France, 2018
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