PARASHAT VAYIGASH 5781 Vendredi 25 Décembre 2020 – Yom Chichi 10 Tevet 5781  horaires Ashdod 16 h 24 – 17 h 25

LA REALISATION DES REVES DE JOSEPH.

Onze fils de Jacob arrivent en Egypte, avec une grande déférence et une très grande crainte doublée de méfiance, Judas fait face à Joseph. On pourrait se demander pour quelles raisons Judas qui n’est que le quatrième fils de Jacob prend la défense de ses frères et pourquoi Ruben ne s’est-il pas chargé de cette tâche, lui qui est l’aîné des douze tribus ?

D’après l’histoire personnelle de Judas, il a su se distinguer par sa droiture en reconnaissant ses fautes après que Tamar, sa bru, ait présenté les « insignes » de Judas et en reconnaissant qu’elle était plus juste que lui.

Le nom de Judas renferme plusieurs concepts en quelques lettres : tout d’abord il renferme ainsi que je l’ai dit à plusieurs reprises, les 4 lettres du Tétragramme, avec l’insertion de la quatrième lettre « daleth » en quatrième position. Nous y reviendrons dans un instant et, ce nom vient aussi du verbe lehodoth  lamed-he-vav-daleth-vav-tav, qui signifie non seulement remercier mais reconnaître.

Le « voisinage » du Tétragramme et du daleth n’est pas fortuit il signifie que l’Immanence divine se trouve dans les quatre éléments qui se trouvent dans ce monde dans lequel nous évoluons, il signifie aussi le fait que Yéhouda est l’une des facettes de la Shekhina ramenée à des dimensions humaines puisqu’il est clair que l’homme a été façonné en prenant en compte les 4 éléments de manière à pouvoir s’intégrer dans son environnement, qui est justement le quatrième des mondes créés d’après la Cabale[1].

Lorsque Joseph était à peine âgé de17 ans, il narra ses songes à ses frères. Ceux-ci n’ont pas compris que ces rêves étaient prémonitoires et qu’ils étaient importants. La jalousie qui les animait les empêcha de comprendre que leur existence était susceptible de changer de manière drastique. Il leur sembla improbable de devoir se prosterner devant ce jeune frère. Il leur sembla impossible de devoir s’incliner pour obtenir de la nourriture.

Et pourtant c’est exactement ce qui se produit : la famine sévit. En Egypte on fait des provisions, en Canaan, il n’y a pas de quoi faire des réserves. Le jeune garçon hébreu après avoir fait de la prison parce que victime de faux-témoignage, devient en quelque sorte ROI d’Egypte ! C’est lui seul qui sait gérer la crise économique, il construit des silos dans lesquels les grains sont mélangés à la terre pour mieux se conserver pour pouvoir durer très longtemps[2].

Joseph fit preuve d’un esprit d’entreprise, d’économie et de logistique de façon tout-à-fait inédite à l’époque.

En somme, lors de cette joute verbale de Judas face à Joseph ce sont deux rois qui s’affrontent. Le mot melekh peut être considéré comme un sigle formé des initiales du nom de trois organes vitaux du corps humain : Moah (cerveau) Lev (cœur) Kaved (foie) mais trois qualités qui font que tout le monde ne peut être roi car un souverain doit être capable de placer la raison (moah) avant ses sentiments (lev) et que l’importance des choses doit primer sur ceux-là.  Parce qu’un roi doit être capable de régler ses actes et sa raison au-dessus de ses sentiments et que son honnêteté doit sublimer ses actes.

Avant de choisir un Chef, HaShem éprouve Ses créatures et leur confie un troupeau. Avant de confier les rênes du peuple juif à Moïse, IL lui confie un troupeau et si une simple brebis s’égare il va aller la chercher et devant la fatigue extrême de la pauvre bête, il la charge sur ses épaules….

Le Tanakh cite des personnages dont la conduite fut exemplaire et qui leur valut des récompenses inestimables tel Nahshon – de la tribu de Judas – qui se jeta dans les flots de la Mer des Joncs (mer Rouge) pour que la mer s’entrouvre et laisse passer le peuple à pied sec qui a eu le mérite d’être cité en premier parmi les nessiim (princes des tribus) à avoir présenté ses sacrifices.

Je voudrais attirer l’attention sur quelques particularités grammaticales et sur un mot en particulier.

Chapitre 44 verset 27 Jacob parle avec ses enfants au sujet de Benjamin :

אַתֶּם יְדַעְתֶּם, כִּי שְׁנַיִם יָלְדָה-לִּי אִשְׁתִּי …..

……..Vous savez que ma femme m’a donné deux enfants.

Puis, la Torah donne la généalogie de chacun des douze frères en précisant qui a été leur mère. Cependant, le texte écrit ….. »ce sont les enfants que Léa a enfanté à Jacob »…. Lorsqu’il s’agit de Joseph et de Binyamin, la Torah inscrit (chapitre 46, verset 19) : בְּנֵי רָחֵל אֵשֶׁת יַעֲקֹב, יוֹסֵף וּבִנְיָמִן  Les fils de Rachel, épouse de Jacob: Joseph et Benjamin.

Ceci, viendrait conforter ce que nous avons dit à propos de la rencontre de Jacob et Rahel lorsqu’il arriva à Haran c’est-à-dire, en quelque sorte que la bat zoug (la fiancée) du patriarche, min hashamayim (désignée par les cieux) est bien Rahel, sinon, pourquoi la Torah qui n’inscrit jamais même une lettre de trop aurait-elle précisé en toutes lettres le mot « eshet » (épouse de) pour Rahel et non pas pour Léa?

Revenons un peu en arrière dans le récit, lorsque Joseph se pence et pleure sur les « cous » de Benjamin. La majorité des commentateurs explique que le fait que le mot tsavar (cou) soit au pluriel concernant Benjamin c’est, disent-ils, parce que  ces deux frères disposaient d’un esprit prophétique et, Joseph pleure sur les deux Temples qui seront édifiés sur le territoire de Benjamin et seront détruits et lorsque Benjamin pleure aussi sur « le cou » de Joseph, c’est pour la destruction future du Temple de Shilo sur le territoire de Joseph.

Lors de l’énoncé de la généalogie d’Ishmaël ou lors de celle d’Esaü, le mot nefesh (âme) est employé au pluriel : « nefashoth ». Chez Esaü ils étaient 6 nefashot en revanche chez Yaakov, ils sont descendus à 70 nefesh en Egypte. La différence provient du fait que chez Essav, (Esaü) chacun pensait et ne comptait que sur lui-même tandis que chez Jacob ils étaient tous liés dans une seule dynamique : être ensemble et être une entité solide, unie.

Baâl HaTourim[3], pour éclairer le lecteur devant les versets décrivant le fait que Joseph pleure « sur ses frères », emploie une très belle métaphore : lorsque   HaShem  appela Moïse, IL Se trouvait dans un buisson d’épines. Pour quelle raison ? Parce que pendant cette même période, le peuple souffrait, la Shekhina Se rétracta dans un buisson d’épines pour exprimer l’idée de souffrance partagée. Les frères de Joseph et leur descendance allaient souffrir en descendant en Egypte, Joseph pleure sur cette souffrance à venir.

Sforno[4] quant à lui souligne le fait que Joseph qui avait un statut de roi en Egypte, a obligé ses frères à se présenter en tant que bergers car cette fonction pouvait sembler humble et pacifiste aux yeux des Egyptiens tandis que par rapport à HaShem cette profession était celle qui convenait le plus à un peuple de prêtres vis-à-vis des nations (mamlékheth cohanim).

Etre souverain, exige du roi de savoir et pouvoir prendre des responsabilités. C’est par ces facultés que Joseph se démarque de ses autres frères. Tout comme Juda prend des responsabilités vis-à-vis de ses frères et plaide pour eux, Joseph guide aussi les fils de son père, car il sait exactement comment fonctionne cette nation vers laquelle il veut les faire entrer.

Joseph sait se contrôler et sublimer ses instincts. De même que certains faits sont reconnaissables dans la Bible : tout comme les rencontres auprès de puits, ou la famine, des règles sont à observer dans ces cas-là : ainsi les cas de famines se produisent lorsque l’Eternel veut éprouver Ses créatures : ainsi, la famine intervient lors de l’arrivée d’Abraham, pendant la vie d’Isaac, ici, la famine est une étape dans le dessein d’HaShem qui intervient dans le destin de Joseph et de Jacob et ses fils de manière à réconcilier tout ce monde qui par jalousie s’était séparé. Famine se dit raâv et s’écrit resh-âyin-beth. Durant les périodes de famine, des règles sont imposées parmi lesquelles : interdiction de se réjouir (et interdiction de procréer[5] qui est considéré comme une réjouissance) interdiction de montrer l’aisance, la richesse etc…[6] interdiction de se désolidariser du peuple souffrant[7].

Caroline Elishéva REBOUH

D’après la Cabale, 4 mondes ont été créés : HaAtsilouth ou monde de l’Emanation Divine c’est-à-dire, si l’on se rapporte à l’Arbre de Vie, à ce qui se trouve un peu au-dessus du « Keter » (Couronne) et du Eyn sof (Infini) c’est un monde spirituel. Le deuxième monde, est le monde de la Briya ou de la Création, ce qui correspond au Monde des âmes qui restent dans un monde spirituel où sont adressées les louanges au Créateur. Le troisième monde est celui de la Yetsira, c’est celui dans lequel évoluent les Anges de tous ordres. Et le quatrième monde qui est celui de la Assiya qui est le monde de l’action. Le monde matériel par excellence, celui dans lequel les âmes ont intégré des corps pour acquérir des mérites et faire la volonté d’HaShem et accomplir le plus de choses possible.

[2]  Car en fait, le surplus de blé de la première année d’abondance devait durer jusqu’à la fin de la septième année de famine donc, en tout quatorze années !!!

[3]  Baâl HaTourim surnom donné à Rabbi Yaakov ben Asher d’après son œuvre principale (1269 à Cologne- 1343 à Tolède) ancêtre du shoulhan aroukh en quelque sorte.

[4]  Ovadia ben Jacob Sforno (1475 à Cesena en Italie-1550 à Bologna Italie).

[5]  Joseph procréa avant le début des années de famine et avait tout au long des années de son séjour en Egypte montré son attachement véritable à la Torah que Jacob lui avait enseigné lorsqu’il était enfant.

[6]  C’est la raison pour laquelle Jacob enjoignit ses fils à aller acheter des provisions en Egypte « pour faire comme les voisins » et ne pas montrer qu’ils avaient de la nourriture et exacerber la jalousie des peuplades avoisinantes.

[7]  Comme c’est le cas d’Elimélekh et de Noémie et de leurs deux fils (Meguilat Ruth).

Parashat Hachavoua en vidéo par le rav Avraham Dray d’Ashdod