Les partis du centre s’imposent, avec 19 sièges pour le parti de Yaïr Lapid, la surprise de ces élections.

La campagne électorale israélienne avait été terne et ennuyeuse, la soirée électorale a réveillé le public avec un score totalement inattendu du parti centriste « Un avenir existe » de Yaïr Lapid, arrivé numéro deux.

« Aujourd’hui, les citoyens d’Israël ont dit non à la politique de la peur et de la haine », a déclaré Yaïr Lapid mardi 22 janvier dans la soirée, devant la foule de ses partisans dans une atmosphère de fête où sautaient les bouchons de champagne. « Ils ont dit non aux tentatives de nous diviser en secteurs, groupes, tribus et intérêts particuliers. Ils ont dit non aux extrémistes, et non aux comportements anti-démocratiques. »

Avec Yaïr Lapid et Naftali Bennet, c’est une nouvelle génération d’hommes politiques qui arrivent au pouvoir, et des femmes, aussi, avec Shelly Yacimovitch (parti travailliste), Zahava Gal-On (Meretz) et Tzipi Livni (Hatnuah) – dont trois au moins viennent du monde du journalisme.

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« Ce qui s’est passé est étonnant, confie Alon Liel, ancien directeur général du ministère des affaires étrangères israélien. Aucun sondage n’avait prédit cette poussée de Yaïr Lapid. Aucun ne lui donnait plus de sièges que le parti travailliste. » Le parti est très jeune, créé il y a un an à peine.

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YAÏR LAPID, « L’ALLIANCE DES CONTRAIRES »

« Pour les Israéliens, préoccupés avant tout par les questions économiques et sociales, c’est aussi un vote de rejet de la politique actuelle, analyse Alon Liel. Benyamin Netanyahou est trop capitaliste et le parti travailliste trop socialiste. Et donc, la balle est au centre avec un Yaïr Lapid qui représente la classe aisée laïque et éduquée de Tel-Aviv. »

Pour Philippe Chriqui, politologue français, « ces résultats montrent que le centrisme (1) peut s’imposer dans la société israélienne comme une alternative au parti travailliste. Grâce à une excellente campagne (son conseiller est Américain), Yaïr Lapid a réussi à ne se mettre personne à dos », explique-t-il.

Il a lancé sa campagne chez les colons d’Ariel en Cisjordanie et a intégré des religieux dans sa liste. « Il a réussi l’alliance des contraires. Il est laïc mais pas anti-religieux ». Pour Philippe Chriqui, Yaïr Lapid est un peu le Jean-Louis Borloo de la politique israélienne.

A LA FOIS FAVORABLE À UN ETAT PALESTINIEN ET L’ANNEXION DES COLONIES

Comment expliquer le score très inférieur aux prévisions du Foyer Juif, de Naftali Bennet ? « Dans les derniers jours de la campagne, au-delà de la bonne image de Bennet, des informations sont sorties démontrant l’extrémisme de certains des candidats de sa liste. L’un d’entre eux ayant déclaré que ‘‘si la mosquée Al Aqsa explosait, le troisième Temple pourrait être reconstruit’’. Le Likoud a exploité cette faille pensant qu’il pourrait récupérer des voix de Bennet, mais celles-ci sont allées au centre », conclut le politologue français.

Une coalition avec le parti de Yaïr Lapid, que Benyamin Netayahou va devoir prendre à son bord, peut-il faire avancer le processus de paix ? Alon Liel ne croit pas à une réelle percée sur ce dossier. « Yaïr Lapid est pour un État palestinien, mais aussi pour l’annexion des grands blocs de colonies, contre le droit de retour des Palestiniens et pour une Jérusalem indivisible. »

« Bien qu’opposées, les visions de Tzipi Livni (ancienne ministre des affaires étrangères) et de Naftali Bennet sont plus tranchées. L’une est pour la reprise des négociations, l’autre est pour l’annexion de la Cisjordanie et contre un Etat palestinien. Compte tenu de son score, Yaïr Lapid pourrait exiger d’avoir le poste de ministre des affaires étrangères pour le confier soit à Tzipi Livni, soit à Yaakov Perry (ancien chef de l’agence de contre-espionnage, le Shin Bet) qui, sur sa liste, est celui qui a le plus d’expérience », conclut l’observateur israélien.

LA RÉCONCILIATION N’EST PAS UNE PRIORITÉ

Selon Philippe Chriqui, « tout au plus, la présence de Lapid peut aider à l’arrêt de la colonisation. Mais le processus de paix n’est pas une priorité pour former une coalition gouvernementale », d’autant qu’en face, la réconciliation palestinienne, nécessaire pour négocier, se fait attendre.

Le premier ministre Benyamin Netanyahou a désormais 28 jours pour former le prochain gouvernement, avec des factions aux intérêts très contraires. Emmanuel Rosen, analyste sur la chaîne 10 est sceptique :« C’est un gouvernement qui ne pourra prendre des décisions sur aucun sujet : le processus de paix, les questions budgétaires et la participation de tous, y compris les religieux, à l’effort économique. Avec à l’horizon, rapidement de nouvelles élections. »

(1) L’ensemble des trois partis du centre, Yesh Atid de Yaïr Lapid, Hatnuah de Tzipi Livni et Kadima de Shaul Mofaz, remporte 27 sièges.

Agnès ROTIVEL à Jérusalem
http://la-croix.com

 

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