La question pressante a été posée ces derniers jours dans un lieu de culte par un fidèle dont les opinions sont généralement modérées. Pourquoi cette préoccupation? Et de citer le succès du livre d’Eric Zemmour en se demandant s’il convient vraiment à des intellectuels ou à des publicistes juifs de surenchérir à propos de l’identité française. Que lui répondre? Il y va de ces questions comme de celles qui concernent une possible décision de quitter la France. Nul ne peut substituer sa responsabilité à celle des intéressés. On peut néanmoins se demander ce qui suscite de pareilles inquiétudes. Pour le comprendre il suffit juste de poursuivre l’échange.

En premier lieu, les Juifs de France ne vivent pas sur une station orbitale. Ils sont partie intégrante et intégrée d’un pays qui n’en finit pas de traverser les crises les unes après les autres, qu’elles soient financières, politiques ou morales. Il faut y prendre garde: la transition n’est pas difficile du désenchantement à la désillusion, puis de la désillusion au nihilisme. L’histoire encore chaude du continent européen en fournit trop d’exemples contagieux. Ce que l’on pourrait qualifier de « crise chronique » qui affecte la France ne date certes pas de la dernière élection présidentielle. Elle remonte à 1973 et même avant. Pourtant, tous les gouvernements qui se sont succédés depuis ont prétendu en sortir avant que leurs promesses inconsidérées ne soient démenties par leur bilan réel. La communauté juive n’en est pas indemne. Ses membres sont également affligés par le chômage, par la précarité et par la peur du lendemain. D’où parfois cette porosité nouvelle aux slogans du Front National qui à son tour promet monts et merveilles. L’issue ne se trouvera pas au seul sein de la communauté juive mais dans la démocratie française pour peu que le sens de l’intérêt général l’emporte sur la mentalité partisane et la férocité des ambitions personnelles.

Un autre facteur doit être pris en compte, celui là propre à cette communauté: son sentiment croissant d’insécurité et de marginalisation, comme il est apparu cet été lors des manifestations de soutien au Hamas dans les rues de France, des mouvements grégaires où des salafistes et des djihadistes s’amalgamaient avec des militants se revendiquant de la gauche et de l’extrême gauche. Mais il ne faut pas s’arrêter au visible et au patent. Il semble aussi que dans certains quartiers des jeunes hommes et des jeunes femmes juives cèdent à la propagande islamiste et se retrouvent convertis à la religion coranique. Qui s’en préoccupe? Expliquer n’est pas justifier mais face à de pareilles entreprises, on peut également expliquer, propagande contre propagande, que les thèses de l’extrême droite deviennent audibles et tentantes, y compris dans les milieux qui paraissaient les mieux imperméabilisés. Ces questions doivent être ouvertement posées sans quoi il est à craindre que la présente situation n’empire. L’avenir se construit dans le présent et le présent n’est rien sans la lucidité.

Raphaël Draï, Radio J, le 27 octobre 2014

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