PARASHAT BO 5780 – Shabbat du 01-02-2020 /Allumage Ashdod 16 h 54– 17 h 53 

LES TROIS DERNIERES ETAPES

La première question à se poser est pourquoi HaShem dit IL à Moïse « BO » (viens) chez Pharaon et pourquoi ne lui a-t-IL pas ordonné LEKH (vas) chez Pharaon.  HaShem n’avait-IL pas ordonné à Abram LEKH LEKHA  (soit : vas  t’en) ? De manière à comprendre la raison de l’emploi de ce mot à la place d’un autre, il faut absolument se replacer dans le contexte historique et psychologique : l’Egypte représentait le plus haut lieu d’impureté du monde entier. D’autre part, Moïse avait grandi dans ce palais royal et il était connu. Sa réaction, à chaque fois qu’il devait se rendre en ce lieu était normale tout-à-fait d’avoir en quelque sorte une certaine répulsion.

Aussi, le Saint béni soit-ILassura-t-IL à Moïse que l’impureté ne le souillerait pas puisque HaShem LUI-MEME Se déplacerait et Moïse devait L’accompagner car la différence entre les verbes « lalékhet » et « lavo » est que le premier est de faire une action seul alors que le deuxième renferme une notion d’accompagnement.

D’autre part, par ce mot « bo », dont la valeur numérique est 3, L’Eternel signifie qu’il s’agit à présent du dernier degré de l’escalade de gravité dans les 10 plaies infligées à l’Egypte et aux Egyptiens et ce sont là les 3 dernières plaies : les sauterelles, les ténèbres et la mort des premiers nés.

Cette dernière étape dans l’escalade de la gravité des plaies  est pleine d’enseignements  et des Sages comme Abraham Ibn Ezra, le KeliYakar, le BaâlhaTourim et le OhrHaHayim  ne manquent pas d’apporter leur vision des évènements : pour quelle raison est-il écrit que cette nuit-là les chiens n’aboieraient pas ?

Le OhrHaHayim fait un rapprochement entre le fait que lorsqu’un chien aboie la nuit c’est le signe que l’Ange de la Mort se trouve dans la ville et que ce soir-là, il s’agissait d’une espèce de prodige, l’Ange de la Mort parcourant le pays entier et pourtant, aucun chien ne put aboyer l’explication de l’exégète fut que sans doute les chiens ne purent le faire étant donné que dans les maisons juives badigeonnées du sang de l’agneau sacrifié, les fils étaient épargnés (parallèle entre la valeur numérique de chien/kelev et fils = 52).

Ibn Ezra, pour sa part, dresse un parallèle entre le fait qu’il existe deux « façons » de perpétuer Pessah : la première fut celle du Pessah vécu en Egypte à la veille de la sortie d’Egypte et,  depuis lors, tous les Pessah vécus par les différentes générations jusqu’à nos jours, obéissant  au devoir d’enseigner à nos enfants (banim) toute la signification de cette célébration. En effet, écrivit-il, en Egypte, chaque Famille dut sacrifier un agneau et prendre un rameau d’hysope pour asperger les linteaux des portes des israélites du sang de l’agneau. En dehors de cela, pour toute personne atteinte de lèpre (biblique), il était indispensable de sacrifier un volatile, de tremper dans son sang un rameau d’hysope et d’en asperger 7 gouttes sur la personne malade….. Ibn Ezra pense ainsi qu’il y a une idée commune entre Pessah et metsora (la lèpre).

La lettre hébraïque Pé se retrouve dans la plupart des termes contenu dans le vocabulaire de Pessah. La lettre « pé » signifie bouche et l’on retrouve des allusions dans Pharaon qui se dit « paro » en hébreu s’écrivant pé-resh-ayin- ‘hé et, si l’on inverse l’ordre de la lettre ‘hé en l’intercalant après la lettre pé nous obtenons  pé-‘hé- resh- ayin soit pé, râ ou mauvaise bouche;

Le mot Pessah (pâque) se prononce « péssah »  ce qui reviendrait à traduire « bouche pure ».

Le KeliYakar après avoir analysé les manifestations des dix plaies déclara que sur ces dix manifestations surnaturelles que furent les 10 plaies la seule qui laissa une « trace » fut celle des sauterelles car selon lui, les sauterelles traversant l’Egypte ne se nourrissent plus dans ce pays.

La grêle qui tomba sur l’Egypte dans les proportions et la nature qui la fit tomber sur tout le territoire égyptien fut une manifestation surnaturelle d’un  mélange d’eau, de feu et de vent en quantité et d’une violence phénoménale peu avant Pessah et telle qu’elle s’abattit sur l’humanité lors de la génération de la Tour de Babel. Avec une même violence la grêle s’abattit sur la contrée lors de la conquête du pays par Josué ; et, elle devra tomber à nouveau lors de la guerre de Gog et Magog lors du dernier conflit de l’humanité et, également lorsque la résurrection aura lieu.

Pour le KliYakar, à trois reprises pesa sur l’Humanité une menace de destruction :

Lors de la Génération du Déluge,  l’EAU détruisit tout ce qui était sur terre.

Lors de la Génération de la dispersion (dorhaplaga), le VENT détruisit et dispersa tout le monde.

Lors de la génération de Sodome, le FEU détruisit toute la région !

Ces trois éléments se retrouvent ensemble dans la grêle : eau feu et vent.

Le Gaon de Vilna rapporte dans son « AderethEliahou » que tout est lié dans Pessah au lashonharâ (médisance) ainsi, l’exil en Egypte est dû à la médisance car la puissance de la bouche est telle que dans la bouche, il y a de l’eau, le souffle et le feu (véhémence de propos).

La médisance de Joseph sur ses frères est si importante qu’elle a une portée insoupçonnable !  Joseph n’avait que 17 ans lorsqu’il rapporta à Jacob des faits ayant trait à ses frères.    Jacob,   aimait Joseph plus que tous ses autres filscar son épouse bien-aimée était morte.

Sur les manches de la coutoneth passim (tunique bigarrée), Jacob fit poser deux bandes de tissu de soie pour faire comprendre à son fils qu’il n’ait pas bon de pratiquer la médisance. Quel est le rapport entre ces bandes de tissuen soie et le lashoneharâ ?

Voici : la soie est un fil obtenu par la sécrétion d’un ver communément désigné comme le ver à soie. Or le ver à soie possède la particularité à la fois de pouvoir à l’aide de ses « mandibules » de ronger un tronc d’arbre et d’abattre par exemple un cèdre par la seule force de sa « bouche » et également de produire un fil soyeux et solide avec lequel pourraient être tissés des vêtements royaux !

La parole dont l’homme est doté est une faculté qui distingue l’être humain de ce qui n’est pas humain. Le verset (psaumes 115,17) qui dit : לא המתים יהללו קה ולא כל יורדי דומה….enseigne que ce ne sont pas ceux qui sont morts (qui ne sont donc plus dotés de la parole) qui peuvent louer HaShem mais bien ceux qui sont vivants. En conséquence, seuls ceux qui disposent de leur libre arbitre ont le choix entre parler pour construire ou parler pour détruire.

L’auteur de ArougothHaBossem[1] détaille sa pensée en précisant que nous les hommes pouvons en prononçant des prières et des louanges tisser des soieries dédiées à en « revêtir » l’Eternel !

Le stratagème de Jacob ne réussit pas et la brillance du tissu bigarré attisa la jalousie des frères.

L’érudit Moshé Grinwald dans arougothabossem s’étend sur le fait que la punition de Yossef fut telle que sur chaque parole qu’il déversa sur ses frères il reçut une punition sévère. Yossef voulut-il disgracier ses frères aux yeux de Jacob ? Il se disgracia lui-même aux yeux de ses frères.

Moshé Rabénou procéda à sa façon au lashonehara : ainsi, lorsqu’HaShemlui adressa la parole pour lui signifier qu’il était choisi pour aller libérer ses frères, par modestie mais aussi par manque de confiance en lui-même et en ses frères dans la même mesure[2]il dit au Saint béni soit IL  « ils ne me croiront pas »et ceci est une manifestation de lashonehara (procès d’intention). Aussi l’Eternel dit-IL à Moshé de jeter son bâton par terre et celui-ci se transforma en…. Serpent qui n’est autre que l’emblème de la médisance car  cet animal n’utilisa-t-il pas la médisance pour charmer Eve ? Quel est le second prodige qui « frappa » Moshé ? IL lui demanda de plonger sa main en son sein et……. Que se passa-t-il ? La main ressortit blanche de lèpre ! La lèpre  affection qui survient APRES avoir dit du mal de quelqu’un (cf. Nombres XII 1 à 16  la lèpre frappa Myriam après qu’elle eût dit du mal de Moïse et de Tsipora). Ces deux manifestations suffisent à continuer à établir un lien entre le début de l’exil de Joseph et jusqu’à la sortie d’Egypte.

Le Rav Dessler dans MikhtavméEliahou reprend cette même ligne de pensée.

Caroline Elishéva REBOUH.

 

[1] Ouvrage de Moshé Grinwald (Prague 1853-1910).

[2] Sans doute aussi parce que lorsqu’il avait tenté d’intervenir en Egypte dans la querelle qui opposait deux juifs il sut que le fait qu’il ait tué l’Egyptien était connu et, il savait que Datan et Aviram l’avaient dénoncé.