Il y a quelques jours, je m’entretenais avec une certaine personne. Elle me disait souffrir d’un manque de confiance en soi, et elle semblait même en souffrir énormément. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce sont ces mots qu’elle a prononcés : « Je reproduis les mêmes schémas ». Sans pouvoir en être certain puisque notre discussion fut relativement brève, j’ai le sentiment que le facteur particulier auquel cette personne faisait allusion de la sorte, est ce qui lui cause le plus de souffrance. C’est pourquoi il m’a paru important d’aborder le sujet.

Ainsi, pour quelle raison certains schémas comportementaux, sentimentaux, cognitifs ou encore fantasmatiques auraient-ils tendance à se reproduire ?

Par le passé, nous avions déjà mis en avant la notion de profit inconscient. Dans un contexte aussi délicat, le terme « profit » doit être soigneusement explicité, car il n’est pas évident d’admettre que l’on puisse tirer une forme de bénéfice de sa propre souffrance. L’idée devient pourtant plus envisageable quand on découvre que le mécanisme ne profite nullement à la partie de l’être qui souhaite le mieux-être, le bonheur, la vie. Il ne profite qu’à la partie malade de l’être, à l’être qui souffre.

Malgré tout, la notion de profit demeure floue. Pour la résumer, disons que le profit en question vise à justifier un schéma destructeur certes, mais néanmoins un schéma personnel, quelque chose qui appartient à soi. En justifiant le schéma, mais aussi et peut-être surtout en justifiant les personnes souvent proches[1] qui en sont à l’origine souvent malgré elles, on gagne une sorte de cohérence, ou d’auto-justification pourrait-on dire. Qui demeure de toute façon malsaine.

Mais telle n’est pas la raison que nous avions l’intention de développer.

Répétons la question de départ. Pour quelle raison certains schémas comportementaux, sentimentaux, cognitifs ou encore fantasmatiques auraient-ils tendance à se reproduire ? En un mot, en raison de leur complexité.

Développons l’idée. À l’instar d’un voleur qui peut continuer à opérer tant qu’il n’a pas été surpris, les schémas psychiques néfastes se reproduisent tant qu’ils n’ont pas été démasqués. À ceci près que démasquer un schéma ne se réduit pas à un acte instantané. Ce n’est pas comme prendre un voleur sur le fait. Démasquer un schéma est un processus long, qui s’élabore au fur et à mesure des approximations successives, lesquelles sont autant d’étapes dans la désignation toujours plus précise de ses multiples facettes et la compréhension toujours plus lucide des principes symboliques associés.

Aussi, comment pourrait-on définir cette complexité ? Et d’abord, qu’est-ce qu’un objet dit « complexe » ? Ce terme fait partie de ceux qui se définissent plus volontiers par leur contraire. Par exemple, pour expliquer l’infini[2], on se focalise sur le fini, on l’illustre, on le quantifie, on le conçoit, avant de lui accoler le préfixe « in ». L’infini, c’est… tout ce qui n’est pas fini. Qu’est-ce donc que le « non complexe » en ce cas ? Un phénomène non complexe est en premier lieu un phénomène instantanément reconnaissable.

Continuons à avancer. Qu’est-ce qu’un phénomène reconnaissable ? C’est notamment un phénomène soit symétrique, soit périodique, soit catégorisable.

Quand on parvient à reconnaître quelque chose parce qu’il est le miroir d’autre chose, ou alors son exact opposé, on a affaire à un phénomène symétrique. Il s’agit donc d’une identification par analogie par rapport à un phénomène tiers.

Quand on parvient à reconnaître quelque chose parce que ce quelque chose a tendance à se répéter à l’identique dans le temps, à l’occasion d’un contexte similaire surtout, on a affaire à un phénomène périodique. Cette fois, il s’agit d’une identification par analogie par rapport au phénomène lui-même.

Quant à la catégorisation, elle procède de la faculté primordiale de l’intelligence humaine, à reconnaître l’essence d’un phénomène en se base sur ses caractéristiques majeures.

Pour revenir aux schémas psycho-émotionnels, quand ils s’assimilent à l’un des trois cas prédéfinis, on peut dire du schéma qu’il est « comme ceci », que c’est « un cela », qu’il survient toujours « au moment où ceci ». On reste donc dans le tangible, dans le perceptible, dans l’absence de doute. En première approximation, ce peut être cela, le non-complexe. Eh bien, un schéma complexe se trouve donc aux antipodes. Il ne s’appréhende pas parce qu’il ne se dévoile pas. Ce que l’on perçoit de lui, ce n’est pas lui mais des conséquences parfois très indirectes qui, elles, sont par contre perceptibles et définissent ce que l’on nomme cliniquement un symptôme.

Dans la suite de cet article, forts de ces connaissances, nous finirons par répondre à la question de départ.

Notes

[1]  Les parents en premier lieu.

[2]  En tout cas, autant que faire se peut…

 


David Benkoël

Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr