En France, l’obligation alimentaire, dont le principe est fixé par les articles 205 à 207 du Code civil, est l’obligation légale de fournir à un membre de sa famille dans le besoin l’aide matérielle indispensable pour vivre. En matière de divorce, il en existe deux types : la pension alimentaire et la prestation compensatoire.

La pension alimentaire est une contribution versée par l’un des parents à l’autre pour l’aider à assumer les frais liés à l’entretien et à l’éducation des enfants. Elle est due au parent qui assure la charge de l’enfant à titre principal. Le plus souvent, il s’agit du parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle. Une pension alimentaire peut également être versée dans le cadre d’une garde alternée.

En France près de 40% des obligations alimentaires sont impayées ou de façon irrégulière et avec la mobilité croissante des personnes, on assiste à une multiplication des litiges internationaux en matière de créances alimentaires. Dans ces cas, leur recouvrement se complexifie, surtout lorsque le créancier et le débiteur résident dans des pays différents. L’ASFE fait le point sur le juge compétent, la loi applicable et sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires.

Juridiction compétente

C’est la loi du tribunal saisi par les parties qui détermine quel juge est compétent ou non pour se prononcer sur les obligations alimentaires. Chaque État a donc des règles différentes qui peuvent être régies par :

  • Des conventions bilatérales, en matière d’obligations alimentaires la France n’en a signé aucune ;
  • Des règlements européens que sont tenus d’appliquer tous les juges des États membres de l’Union européenne, ici il s’agit du Règlement (CE) n° 664/2009 dit Règlement Aliments ;
  • Les propres lois nationales du juge saisi, si l’État n’est signataire d’aucune convention ou règlement européen.

Le Règlement européen « Aliments » de 2009

Dès lors que le juge d’un État membre de l’Union européenne est saisi, il est tenu d’appliquer les règles de conflit précisées dans le Règlement Aliments. Il s’applique aux obligations alimentaires découlant des relations de famille, de parenté, de mariage ou d’alliance. Ces règles sont applicables même si le défendeur demeure en dehors de l’Union européenne.

Ce règlement institue à son article 3 des options de compétence au profit du demandeur qui peut choisir entre :

  • Les juridictions de la résidence habituelle du défendeur ou ;
  • Les juridictions de sa propre résidence.

Les obligations alimentaires sont modifiables et tiennent compte des besoins et de l’évolution des ressources des parties. Il peut donc arriver que le débiteur agisse pour obtenir une révision de la pension. Dans ce cas, l’article 8 du règlement prévoit que si la décision a été rendue dans l’État de résidence du créancier, la demande de modification doit être introduite dans ce même État.

Très souvent, une demande d’aliments est accessoire à une demande principale comme une demande de garde parentale par exemple. Le règlement prévoit à son article 3 que dans ces cas, la demande alimentaire (accessoire) peut être portée devant la même juridiction que celle devant laquelle avait été introduite l’autre demande (la demande principale).  Par exemple, le même juge se prononcera à la fois sur un droit de visite et sur une demande de pension alimentaire.  La compétence de ce juge pour la demande principale ne doit toutefois pas être uniquement fondée sur la nationalité des parties.

L’article 4 autorise dans une certaine mesure les accords d’élection de for qui permettent aux deux personnes souhaitant divorcer de se mettre d’accord sur le juge compétent quant aux obligations alimentaires. Les époux ou ex-époux peuvent donc choisir entre :

  • Le tribunal de résidence de l’un d’entre eux
  • Le tribunal de nationalité de l’un d’entre eux
  • Le tribunal compétent pour prononcer leur divorce
  • Le tribunal de la dernière résidence commune des époux à condition qu’ils y aient vécu au moins un an.

Il y a toutefois une limite : le choix du juge compétent n’est pas admis lorsque la demande d’obligations alimentaires concerne un mineur. 

En l’absence d’accord entre les parties, l’article 6 prévoit une compétence subsidiaire du juge de la nationalité commune des époux dans le cas où les chefs de compétence énoncés précédemment ne désigne pas le tribunal d’un des États membres de l’UE.

L’article 7 vise à empêcher un déni de justice, soit le cas où aucune juridiction ne serait compétente, et désigne la juridiction étrangère avec laquelle le litige a les liens les plus étroits. Si la procédure était impossible dans cet État, en effet, certains États ne reconnaissent pas la notion d’obligations alimentaires en matière de divorce, le juge saisi est directement compétent.

Loi applicable

Pour la désignation de la loi applicable, le Règlement « aliments » renvoie au Protocole de la Haye de 2007* relatif aux obligations alimentaires. Celui-ci a été signé par tous les États de l’Union européenne à l’exception du Danemark et du Royaume Uni.

Ces derniers ainsi que tout autre État dont les juridictions sont désignées compétentes appliqueront soit :

  • La Convention de la Haye de 1973**
  • Leurs propres lois s’ils ne sont signataires d’aucune convention.

Le Protocole de la Haye de 2007

Dès lors que le juge d’un des États membres de l’Union européenne qui a signé le Protocole est saisi, il est tenu de l’appliquer.

L’article 3 pose la règle générale suivante : les obligations alimentaires sont en principe régies par la loi de résidence habituelle du créancier d’aliments, si ce dernier change de résidence, la loi applicable change également.

Il existe également des règles spéciales énoncées à l’article 4 qui s’appliquent aux demandes relatives aux obligations alimentaires envers des enfants, et les ascendants. Il vise à protéger les créanciers plus vulnérables. Ce dispositif complexe permet en réalité aux créanciers d’obtenir des aliments lorsque la loi normalement désignée ne le permet pas :

  • Si une loi désignée par l’article 3 ne permet pas d’obtenir des aliments, c’est la loi du tribunal saisi qui s’applique ou, à titre subsidiaire, la loi de nationalité commune du demandeur et du défendeur.
  • Si le créancier a décidé de saisir les juridictions de la résidence du débiteur c’est la loi de cet Etat qui est applicable, en revanche, si elle ne permet pas d’obtenir d’aliments on reviendra à la loi de résidence du créancier.

Il existe une disposition particulière qui concerne les obligations alimentaires entre ex-épouxL’article 5 considère en effet que l’un des époux peut s’opposer à l’une des lois désignées par la règle générale (article 3) s’il démontre que la loi d’un autre Etat, en particulier celle de la dernière résidence commune du couple, présente un lien plus étroit avec le mariage.

À ces dispositions s’ajoute une certaine place laissée à l’autonomie de la volonté, à l’article 8 du Protocole, ainsi les parties peuvent opter pour :

  • La loi de l’une de leur nationalité
  • La loi de la résidence habituelle de l’une des parties
  • La loi qui régit les relations patrimoniales entre les parties (celle de la liquidation du régime matrimonial)
  • La loi du divorce

Ce choix de loi doit être fait par écrit et la limite est la même que pour le choix de la juridiction compétente : il n’est pas possible d’opérer de choix lorsque la demande d’aliment concerne un enfant mineur ou un majeur vulnérable.

La Convention de la Haye de 1973

Signée par 15 Etats dont le Japon ou encore la Turquie, ce texte désigne la loi applicable aux obligations alimentaires et vise également à maximiser les chances de pouvoir obtenir des aliments.

Le critère désigne en premier lieu à son article 4 est la loi de la résidence habituelle du créancier. Si celle-ci ne lui permettait pas d’obtenir des aliments, il est possible pour le juge d’appliquer la loi nationale commune des parties si elles ont la même nationalité.

Si aucune de ces deux lois ne permet au créancier d’obtenir gain de cause, le juge saisit peut appliquer sa propre loi. Enfin, si les époux ont déjà divorcé, le juge saisit appliquera la loi qui a régi le divorce s’il s’agit de celle de l’un des Etats signataires de la Convention.

Reconnaissance et exécution des jugements étrangers

En matière de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers il existe plusieurs régimes possibles selon l’État où a été rendue la décision, il peut s’agir : d’un tribunal de l’un des États membres de l’UE, d’un tribunal d’un État signataire d’une convention internationale relatives au recouvrement des obligations alimentaires (Convention de la Haye de 2007, Convention de la Haye de 1973, Convention de New York de 1956) ou, d’un tribunal d’un État qui n’a signé aucune convention.

La décision est rendue par un des États membres de l’UE

Dans ce cas, c’est le Règlement Aliment de 2009 qui s’applique aussi bien à la reconnaissance qu’à l’exécution des jugements en matière d’obligations alimentaires. Ce dernier supprime l’exequatur pour les États ayant signé le Protocole de la Haye de 2007, et la reconnaissance des jugements est automatique. Pour le Danemark et le Royaume Uni, une procédure d’exequatur simplifiée est prévue.

La décision est rendue par un État signataire de la Convention de la Haye de 2007

Cette Convention impose aux 41 États signataires de mettre en place une Agence centrale de coopération en matière de recouvrement des obligations alimentaires au sein de leur territoire afin, par exemple, de pouvoir saisir les biens d’un débiteur à l’étranger s’il refusait d’accomplir ses obligations. Tous les États de l’Union européenne ont signé cette Convention qui prévoit une reconnaissance automatique des jugements et un exequatur simplifié sous plusieurs conditions.

Une décision rendue par un premier Etat signataire (1) est reconnue et exécutée dans un autre Etat signataire si :

  • Le débiteur résidait dans l’État n°1 lors de l’introduction de l’instance et n’a pas contesté la compétence du tribunal de cet État ;
  • Le créancier résidait dans l’État n°1 lors de l’introduction de l’instance
  • L’enfant concerné par la pension alimentaire ainsi que le débiteur résidaient dans l’Etat n°1 au moment de l’introduction de l’instance
  • La compétence du tribunal de l’État n°1 était fondée par un accord entre les parties, sauf si un enfant est concerné par la pension alimentaire
  • L’obligation alimentaire est accessoire à une décision relative à l’état des personnes ou à la responsabilité parentale, sauf si la compétence du tribunal en question était uniquement fondée sur la nationalité des parties

Une décision n’est reconnue que si elle produit des effets dans l’État d’origine et n’est exécutée que si elle est exécutoire dans l’État d’origine.

Comme dans toutes convention internationale, les États ont la possibilité d’émettre certaines réserves à l’exécution des décisions, ces derniers ont toutefois la consigne de permettre le plus possible au créancier de toucher les aliments qui lui sont dus.

En ce sens, l’article 21 prévoit la possibilité d’une exécution partielle des décisions étrangères garantissant d’obtenir au moins une partie des sommes dues, l’Etat peut en effet reconnaitre et exécuter une partie d’une décision étrangère.

Les États peuvent refuser de reconnaître ou exécuter une décision si celle-ci est incompatible avec l’ordre public, résulte d’une fraude, s’il y a une autre instance dans un autre État pour la même cause avec les mêmes parties, lorsque les droits de la défense du débiteur n’ont pas été respectés dans l’Etat qui a rendu la décision.

La décision est rendue par un État qui n’a signé aucune convention internationale

Les règles classiques de reconnaissance des jugements et d’exequatur s’appliquent.

Recouvrement des créances alimentaires

  • Vous résidez en France

Si vous résidez en France et le débiteur habite à l’étranger, votre demande devra s’adresser au bureau du recouvrement des créances alimentaires (RCA) qui est rattaché au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Ce dernier est compétent dès lors que le débiteur ou le créancier réside en France et l’autre partie à l’étranger et peut également vous fournir une aide juridictionnelle.

Si le débiteur se situe dans un pays de l’Union européenne, les pièces exigibles vont dépendre de la nature de votre demande :

Le débiteur se situe dans un pays signataire d’une convention internationale : la Convention de la Haye de 2007 ou la Convention de New York de 1956 s’appliquent : voici les pièces à fournir au bureau RCA.

Le débiteur se situe dans un pays qui n’a signé aucune convention : voici les pièces à fournir au bureau RCA sachant que ce dernier ne sera compétent que si le débiteur est de nationalité française, autrement il faudra vous adresser aux autorités judiciaires du pays concerné.

  • Vous résidez à l’étranger

Si le débiteur se situe en France, vous devez saisir l’autorité centrale, ou autorité expéditrice si cet Etat est signataire d’une convention internationale, en matière de recouvrement d’aliments de votre pays de résidence afin qu’il transmette votre dossier au bureau RCA. Voir la liste des autorités compétentes ici.

Si le débiteur se situe à l’étranger, votre dossier ne peut pas être traité par le bureau RCA et vous devrez vous en remettre à l’autorité centrale en matière de recouvrement d’aliments de votre pays de résidence qui transmettra votre dossier à son homologue dans l’État où réside le débiteur.

Informations utiles : Contacter le bureau du RCA