(L to R) Israel's outgoing prime minister Benjamin Netanyahu shakes hands with his successor, incoming Prime Minister Naftali Bennett, after a special session to vote on a new government at the Knesset in Jerusalem, on June 13, 2021. - A delicate eight-party alliance united by animosity for Netanyahu is poised to take over with right-wing Naftali Bennett as prime minister, if the coalition deal passes today's slated parliamentary vote. (Photo by EMMANUEL DUNAND / AFP)
La crise politique dans laquelle le pays est plongé depuis plusieurs années, l’incapacité de nos représentants à fonder un gouvernement stable possédant une large majorité, les élections à répétition qui ne changent jamais vraiment la donne, tout ceci a de fâcheuses répercussions dans de nombreux domaines : économique, diplomatique, sécuritaire et j’en passe. Un pays politiquement instable et qui retourne aux urnes 5 fois en 3 ans est perçu comme un pays faible. Or, au Moyen Orient en particulier, étaler sa faiblesse, c’est s’exposer à de grands dangers. Les ministres occupent leur poste quelques mois seulement avant d’être remplacés par d’autres et sont donc tentés de ne mener qu’une politique à court terme. Comment voulez-vous dans ces conditions aller jusqu’au bout de réformes indispensables ?
Mais il existe un autre danger dont on parle moins et qui pourtant n’est pas moins menaçant que ceux que je viens de citer : l’instabilité et le retour fréquent aux urnes sont des coups mortels portés à la cohésion nationale d’Israël.
Par définition, en période électorale, les partis soulignent ce qui les divise : il s’agit d’expliquer aux électeurs pourquoi voter pour mon parti et non pas pour celui d’en face et donc de pointer les divergences et souvent de les exagérer. Chaque élection nous déchire un peu plus. Le législateur avait prévu d’en organiser une tous les 4 ans, rythme a la rigueur supportable. Mais pas 5 en 3 ans!! C’est ce qui explique, en partie tout au moins, la violence verbale et écrite à laquelle nous assistons depuis des mois , entre les différentes tendances politiques représentées à la Knesset.
Principale victime de cette campagne électorale permanente : l’incapacité à dire merci.
Il y a juste un an j’écrivais ici même un texte de remerciements à Netanyahou qui venait de perdre son poste. Ça fait longtemps que je ne vote plus pour lui. Je ne lui ai pas pardonné sa position ambiguë pour ne pas dire hypocrite lors de l’expulsion de Gouch Katif. Ce qui ne m’a pas empêché de reconnaitre les nombreux points positifs qu’il convient de porter à son crédit. Certains de mes amis antibibistes (j’en ai), n’ont pas apprécié. L’une d’entre elles me proposa ironiquement de m’offrir un buste de Bibi pour que je puisse l’honorer de mes dévotions idolâtres!
Aujourd’hui, j’ai envie de remercier Benett. A cote des critiques que vous connaissez bien, le bilan de son année comporte aussi bien des points positifs: le refus d’ouvrir un consulat américain à Jérusalem pour les palestiniens malgré les pressions de Biden, le maintien du défilé des drapeaux malgré les menaces du Hamas, les nombreuses autorisations de construire dans les implantations, le nombre record des visiteurs au Har Habayit cette année, l’intensification des actions en Syrie, au Liban et en Iran, la confiscation sans précèdent des armes détenues chez nos voisins arabes… Et puis deux images : le sourire de mes étudiantes qui n’ont pas eu une seule fois à courir aux abris parce que, pour la première fois depuis des années, pas une seule sirène n’a retentit au-dessus de notre campus. La seconde est cette photo surréaliste oú le gouvernement tient séance sur la plateau du Golan , y compris les ministres de la Avoda et de Merets et promet de mettre le budget nécessaire pour doubler en 5 ans la population du plateau. En regardant cette photo, je me suis souvenu du chemin parcouru depuis les énormes manifs des années 90 contre le gouvernement Avoda-Merets-Shass (62 députés) d’Itshak Rabin et d’Arié Derhy qui projetait sérieusement de donner le Golan à Assad!
Seulement voilà, je sais qu’en remerciant ainsi Benett pour ses réussites, je vais m’attirer les foudres de mes amis bibistes (j’en ai aussi). Ceux-là sont déjà en train de penser à réfuter les lignes précédentes. Si le calme règne depuis des mois dans notre région, c’est grâce à Bibi et à l’opération militaire de l’année dernière et non pas parce que Benett a décidé de changer de politique et de riposter à chaque ballon incendiaire, ou alors parce que le hamas a intérêt à protéger ce gouvernement de collabos ou, pour les plus conspirationnistes parmi eux, parce que Benett a surement soudoyé les terroristes pour obtenir le calme. Tout, plutôt que de dire merci.
Or dire merci fait (ou devrait faire) partie de l’A.D.N de notre peuple. Le premier mot que dit tout Juif en se réveillant, c’est « merci ». Mieux, le mot Juif signifie en hébreu celui qui remercie ! Alors comment en est-on arrivé à ne plus pouvoir remercier celui pour qui on ne votera pas?
La réponse se trouve dans l’expression hébraïque. « Modé ani » ne veut pas seulement dire « je remercie ». Ça signifie aussi : « je reconnais ». Car remercier c’est aussi reconnaitre que l’autre est digne de remerciements, qu’il n’est donc pas entièrement négatif. Remercier, c’est donc dédiaboliser. Or comment continuer à haïr si on ne diabolise plus l’autre, si on commence même à lui trouver quelques points positifs, has véshalom?
C’est Romain Rolland qui en pleine boucherie de la guerre des tranchées constatait amèrement que  » les combattants aux prises ne sont d’accord que sur un point: haïr ceux qui refusent de haïr »
Ou si vous préférez une source bien de chez nous, méditez en cette veille de ticha beav et cette avant veille de cette énième consultation électorale, la consigne du grand Rabbi Eliezer Ben Horkenos: « la bonne direction, celle que l’homme doit toujours suivre, c’est le ayin tova, savoir regarder (autrui) avec bienveillance »
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
Rav Eli Kling