Selon une étude clinique première de ce type, dirigée par le Prof. Shamgar Ben-Eliyahu de l’Ecole des neurosciences et de l’Ecole des sciences psychologiques de l’Université de Tel-Aviv, et le Prof. Oded Zamora de l’Ecole de médecine de l’Université, des médicaments courants contre l’anxiété et les réactions au stress (bétabloquants), ou anti-inflammatoires, réduisent le risque de propagation des métastases cancéreuses après l’ablation d’une tumeur colorectale de plus de 35%.

shamgar ben eliyahuL’étude, menée au centre médical Sheba Tel Hashomer auprès de 34 patients atteints d’un cancer du colon, a été publiée dans le Journal européen d’oncologie chirurgicale (European Journal of Surgical Oncology), et dans la revue Nature Review Cancer.

Un traitement court, simple et sûr

Bien que l’ablation chirurgicale des tumeurs primaires soit le pilier de tous les traitements contre le cancer, elle n’exclut pas le risque de métastases chez près de 35 % des patients atteints d’un cancer du côlon, en particulier ceux à un stade plus avancés de la maladie. Les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont cependant constaté qu’un traitement médicamenteux court, simple et sûr est suceptible de réduire de manière significative le risque de propagation des métastases cancéreuses après une intervention chirurgicale.

« Le stress pendant la période d’attente de l’opération, les réactions de stress et d’inflammation produites par le corps pendant l’intervention elle-même et la période de récupération physique ; enfin l’anxiété de la récidive du cancer, tout cela a un effet négatif sur la capacité de notre organisme à combattre le processus métastasique », explique le Prof. Ben-Eliyahu. « Ces conditions mentales et physiologiques créent des ractions de stress inflammatoire, provoquant une libération importante d’hormones de la famille des prostaglandines et des catécholamines, qui neutralisent l’activité anti-métastatique du système immunitaire, et encouragent ainsi le développement de metastases ».

« De plus, l’exposition à ces hormones rend les cellules cancéreuses restées dans l’organisme même après l’opération, plus agressives et métastatiques, les aidant à se développer. La bonne nouvelle est que nous savons comment traiter à la fois le stress et l’inflammation en utilisant des médicaments du commerce ».

Des résultats significatifs et encourageants

Lors de l’essai clinique, les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont administrés à 34 patients du Centre médical Sheba Tel Hashomer atteints d’un cancer du côlon deux médicaments sûrs, disponibles dans toutes les pharmacies : le propranolol (Déraline), bétabloquant utilisé pour abaisser la tension artérielle et réduire l’anxiété, et l’étodolac (Etopan), anti-inflammatoire non stéroïdien utilisé pour prévenir la douleur et l’inflammation.

Seize patients choisis au hasard ont pris ces médicaments pendant 20 jours, pendant une période de partir de cinq jours avant l’intervention à deux semaines après. Les 18 autres patients servant de groupe témoin ont reçu des médicaments placebo. Cinq ans plus tard, neuf des 18 patients ayant reçu le placebo (soit 50 %) ont développé des métastases cancéreuses, contre deux seulement des 16 patients ayant été soignés au Déraline et à l’Etopan (soit 12,5 %).

« Notre traitement a réduit les marqueurs métastasiques dans le tissu tumoral et les risques de récidive du cancer », commente le Prof. Ben-Eliyahu. « Il s’agit d’un traitement médicamenteux court et bon marché sans effets secondaires importants. Nous avons délibérément recherché les médicaments les plus sûrs et les moins chers capables de réduire la réaction de stress inflammatoire du corps à l’opération, afin de sauver des vies.

« Cela semble trop beau pour être vrai, mais nous avons obtenu des résultats similaires dans une étude menée en 2017 sur des tissus de cancer du sein. En raison du petit nombre de sujets dans les deux cas, il est impossible d’estimer avec précision l’ampleur de cet effet bénéfique, et nous devons mener des études cliniques plus importantes. Mais cinq ans après l’opération, les effets sont statistiquement significatifs, ce qui signifie qu’ils ne sont pas accidentels ».

Sauver des vies sans gain financier

Selon le Prof. Ben-Eliyahu, une partie du corps médical se méfient de la prise en compte des effets du stress inflammatoire, en particulier de ceux qui résultent de facteurs psychologiques comme l’attente de l’intervention ou la crainte de la propagation de la maladie. Le deuxième problème est le financement des études cliniques.

« Il faut garder à l’esprit que les sociétés pharmaceutiques ne sont pas incitées à financer de telles études. Les médicaments que nous utilisons n’exigent pas de dépôt de brevet, ils sont connus, bon marché et administrés dans le cadre d’un traitement court de quelques jours seulement. Les sociétés pharmaceutiques recherchent des brevets sur des médicaments coûteux et préfèrent que le patient soit dépendant du traitement pour le reste de sa vie ».

« Malheureusement, les principales fondations scientifiques en Israël ne financent pas la recherche clinique sur les médicaments, dont elles laissent le soin aux sociétés pharmaceutiques. Nous cherchons à sauver des vies sans gain financier. Nous avons reçu un financement de plusieurs sources israéliennes et internationales, qui sont cependant insuffisantes pour une étude clinique à grande échelle. J’espère que nous pourrons trouver un financement pour une telle étude, que nous avons à présent lancée, avec l’intention de recruter des centaines de patients atteints de cancer colorectal en Israël, car sans cela, nous ne pourrons pas être en mesure de convaincre le corps médical de l’efficacité de ce traitement ».

Photo: Le Prof. Shamgar Ben Eliyahu dans son laboratoire à l’Ecole des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv (Crédit: Michal Roche – Ben Ami)

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