Les anticorps sont les protéines de défense que notre système immunitaire produit lorsqu’il est exposé à un micro-organisme infectieux ou un vaccin. Les anticorps reconnaissent précisément un virus ou une bactérie, s’y attachent et le signalent ainsi au reste du système immunitaire qui va se charger de l’éliminer. Ils peuvent également empêcher le micro-organisme de se reproduire, voire entraîner directement sa destruction.

Les anticorps dits « monoclonaux » sont des anticorps fabriqués spécifiquement pour traiter une maladie. Ils sont produits par des cellules qui ont été sélectionnées et cultivées pour leur capacité à produire un anticorps particulier. À titre d’exemple, si on expose ces cellules immunitaires à une protéine nécessaire à la reproduction de cellules cancéreuses, l’anticorps obtenu va se fixer sur cette protéine perturber la croissance de la tumeur. Avec les anticorps monoclonaux, on peut ainsi neutraliser de manière très précise une protéine sans affecter les autres.

Les anticorps monoclonaux thérapeutiques sont des molécules produites en laboratoire pour traiter des maladies.   Ils sont quasiment identiques aux anticorps naturellement fabriqués par notre système immunitaire pour lutter contre une agression biologique (virus, bactérie, champignon, cellule étrangère…). D’où leur efficacité.

Les anticorps monoclonaux thérapeutiques existent depuis plus de trente ans. Mais c’est l’arrivée des anticorps dits « humanisés » (c’est-à-dire modifiés génétiquement pour ne pas être rejetés par l’organisme) à la fin des années 1990 qui a véritablement lancé leur usage. Si bien qu’aujourd’hui, plus de cent molécules sont commercialisées dans le monde.

Quelles maladies soigner avec les anticorps monoclonaux ?

les maladies inflammatoires chroniques, les greffes d’organes d’abord; depuis une dizaine d’années, ces nouvelles thérapies révolutionnent le domaine de l’oncologie (traitement des cancers).  Bien plus ciblées et tolérées que la chimiothérapie, elles ont en effet changé la prise en charge de certains cancers considérés comme incurables.

La possibilité de produire de façon méthodique et contrôlée des anticorps thérapeutiques ouvre la voie au développement rapide du traitement efficaces des maladies graves telles que le cancer!

Le Projet de AION Labs

AION Labs est un laboratoire israélien d’innovation en biotechnologie qui développe une plateforme numérique pour créer des anticorps sauveurs de vies en utilisant l’Intelligence Artificielle et la biophysique pour fabriquer pour le développement de nouveaux médicaments.

AION Labs est le fruit d’une collaboration entre les grands groupes pharmaceutiques Pfizer, AstraZeneca, Merck et Teva Pharmaceuticals, ainsi que AWS d’Amazon et le Fonds israélien pour les biotechnologies, dirigé par Mati Gill, ancien cadre supérieur de Teva. La startup, DenovAI, est la deuxième société israélienne établie avec des fonds et le soutien d’AION Labs. Fondée avec un financement de démarrage d’environ 2 millions de dollars, DenovAI entend mettre sur pied une plateforme informatique pour la création à partir de zéro d’anticorps thérapeutiques monoclonaux afin de développer de nouveaux traitements efficaces.

L’objectif à terme, explique Gill, est de parvenir à développer la technologie qui aidera à « trouver de nouveaux anticorps qui pourront ensuite servir de médicaments, et de pouvoir travailler avec nos entreprises pharmaceutiques et d’autres entreprises du secteur pour les aider à développer leurs nouveaux anticorps, en collaboration avec la startup ».« Si nous connaissons la cible ou le mécanisme de la maladie, nous pouvons alors concevoir un anticorps thérapeutique capable de l’attaquer », a déclaré Gill au Times of Israël.

Le Dr Kashif Sadiq, PDG de la startup israélienne DenovAI (Crédit : Kinga Lubowiekca/EMBL Photlab)

Le Dr Kashif Sadiq, un scientifique qui combine les théories et les techniques numériques de la physique avec l’intelligence artificielle afin de comprendre les processus chimiques et biologiques, dirigera la startup DENOV AI pour ce défi. Sadiq a été retenu par le comité d’investissement d’AION Labs parmi les 15 groupes participants et travaillera en étroite collaboration avec les entreprises pharmaceutiques partenaires.

DenovAI se basera sur une technologie brevetée cocréée par Sadiq au Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) à Heidelberg, en Allemagne, et dont la licence a été accordée à la start-up. L’EMBL est un laboratoire des sciences de la vie qui compte 28 États membres, dont Israël, et plus de 110 groupes de recherche et équipes de service couvrant le spectre de la biologie moléculaire répartis sur six sites en Europe.

« Nous développons un cadre d’Intelligence Artificielle de bout en bout qui pourra prédire les séquences et les structures d’anticorps qui se lient avec une affinité et une sélectivité élevées à tout épitope. Et ce, avec une couverture illimitée de l’espace séquentiel. Cela n’a jamais été fait auparavant », a déclaré Sadiq, fondateur et PDG de DenovAI. « Nous avons assisté à des percées considérables dans le domaine des anticorps thérapeutiques, mais le processus de développement de nouveaux médicaments est incroyablement lent, très coûteux et inefficace. »

Gill a ajouté que jusqu’à présent, la découverte d’anticorps thérapeutiques s’est principalement concentrée sur les processus biologiques, réalisée en laboratoire, et implique des études précoce et précliniques qui peuvent prendre des années.

« Actuellement, le développement d’un nouveau médicament dépasse largement le milliard de dollars, et prend bien plus de 10 ans », a expliqué Gill. « Avec l’aide de l’apprentissage automatique et des technologies numériques de l’IA, nous allons pouvoir réduire ce temps de plusieurs années à plusieurs mois, voire plusieurs semaines ou plusieurs jours, pour arriver à le faire bien plus rapidement et par un processus qui sera non seulement moins coûteux, mais également bien plus précis et qui offrira de meilleures chances de succès. »

Mati Gill confirme qu’il existe quelques excellentes start-ups israéliennes spécialisées dans la biotechnologie qui se concentrent sur le développement d’anticorps, mais selon lui, elles développent un ensemble d’anticorps spécifiques, par leurs propres processus cliniques ou en partenariat.

« Ce n’est pas d’une plate-forme technologique dans laquelle on peut investir en permanence et qui peut être mise à la disposition de l’industrie dans son ensemble pour permettre des incidences industrielles à grande échelle », a déclaré Gill. « DenovAI sera en mesure de faire les deux : développer son propre pipeline mais aussi travailler avec des collaborateurs issus de l’industrie pharmaceutique pour les aider à développer leurs anticorps.

« Si la technologie est développée correctement, nous serons en mesure de concevoir de nouveaux anticorps thérapeutiques en partant de zéro, de développer des anticorps qui s’attaquent à de nouvelles cibles pour lesquelles il n’existe actuellement aucun anticorps, de manière à pouvoir traiter des maladies qui ne sont actuellement pas traitées par des anticorps », a-t-il ajouté. « Parmi toutes les maladies qui existent dans le monde, très peu, surtout en oncologie, sont traitées par des anticorps. Il y a donc beaucoup plus de choses que nous pouvons accomplir. »

Israël a identifié la bio-convergence, soit le croisement de la biologie, de l’ingénierie et de l’IA, comme une priorité nationale en R&D, et bon nombre de programmes sont déjà en cours.

Le consortium d’entreprises qui a formé AION Labs a remporté un appel d’offres gouvernemental lancé par l’Autorité israélienne de l’innovation (IIA) en 2020. L’IIA avait lancé un programme de laboratoires d’innovation il y a quelques années pour inciter les sociétés internationales à s’installer en Israël et à se familiariser avec divers développements innovants dans le domaine des sciences de la vie.

Le programme AION Labs s’inspire de BioMed X, un institut de recherche biomédicale indépendant basé à Heidelberg, qui identifie les défis de l’industrie en matière de R&D et recherche des fondateurs scientifiques dans le monde entier.

Ezra Banoun 
Mars 2023