Dans quelques jours, les juifs du monde entier fêteront la fête de Pâque dans tous ses détails, psalmodiant et glorifiant l’Éternel pour avoir libéré leurs ancêtres de l’esclavage.

En cet événement commémoratif, nos enfants nous posent les fameuses questions : « En quoi cette nuit diffère-t-elle des autres ?  Et nous leur répondons d’une voix déterminée et teintée d’une  fierté toute particulière… « C’est qu’en cette nuit-là nos ancêtres sont sortis, par la force de D.ieu, de l’esclavageEn cette nuit-là, nous nous rappelons des jours amers qu’ils ont vécus, leur souffrance et le miracle de leur sortie d’Egypte… » Et avec la même émotion qui nous prend inévitablement chaque année à la gorge, nous reprenons l’histoire sans en omettre une virgule, ses miracles, ses chants et ses refrains, et toute la famille se sent autour de ce festin un peu comme des rois…

Les plus jeunes, après la première vague de questions et le premier verre de vin bu légèrement inclinés, s’étaient imperceptiblement assoupis, les bras pliés sous leur tête sur le bord de la table, visiblement inconfortables dans leurs costumes blancs flambants neufs, et leurs kipas brodées de fils d’argent ne tenant encore à leurs cheveux que grâce à une petite pince.

Je me souviens encore qu’aucune d’entre nous n’osait les mettre au lit, car comme par miracle lorsqu’on entamait le rituel « Had Gadia » ils se réveillaient et se lançaient sans tarder à la recherche de l’Afikomane (pièce de Matsa que grand-père dissimulait dans quelque coin secret et qu’il fallait découvrir à la fin du repas pour recevoir un petit cadeau).

La cachette n’était généralement pas introuvable d’autant plus que nous, les plus grands, la connaissions. Mais gare qui oserait la révéler aux plus petits. La course commençait sous les éclats de rire des grands tout en guidant habilement leurs pas… Puis miracle, voilà que le petit Joseph découvre son morceau de Matsa et avec, le grand bonheur de recevoir un petit paquet que grand-mère avait joliment préparé la veille contenant l’un des petits souhaits de Joseph.

Après avoir bien ri et surtout bien mangé, la confrérie se dirigeait lentement vers les chambres à coucher. Nous étions grand-mère et moi, les dernières à partir, car il fallait débarrasser la table, remettre le beau service en porcelaine en place et écouter grand-père nous révéler ses souvenirs d’enfant de Pessah devant un dernier verre de thé brûlant.

On sentait souvent cette petite note pernicieuse qui se glissait dans ses paroles, lorsqu’il semblait alors que tout l’énoncé de la Hagadah se fracassait devant la dispersion des juifs, Israël devenue Palestine et le Beit Hamigdach réduit au mur de lamentations… Alors cette joie qui nous avait enveloppés quelques heures auparavant, se rétrécissait comme une peau de chagrin, pour épouser les dimensions de la dure réalité, n’étant plus qu’une vaine et minuscule flamme vacillante en ce jour glorieux…

Nous avons quitté l’esclavage d’Égypte, mais avons-nous vraiment gagné notre liberté ? Nous vivions encore dans la diaspora éparpillés dans les quatre coins du monde, hurlant notre soif de nous retrouver Shana Haba à Jérusalem. L’ANNÉE PROCHAINE À JÉRUSALEM.

Toute notre misère et tristesse émergeaient brusquement… L’esclavage sévissait encore sous d’autres formes et aspects…

Quelques années plus tard, l’État d’Israël renaissait et la ruée vers ce havre tant fantasmé s’entama. Le miracle eut lieu… La liberté, la dignité et surtout le privilège de pouvoir afficher sans honte ni restriction notre judéité n’étaient plus un rêve, un souhait, mais bien une réalité.

Grand-père hélas, nous avait déjà quittés. Nos aïeux avaient erré quarante ans dans le désert avant d’atteindre les contreforts de la terre promise… Nous avons erré deux mille ans avant de pouvoir embrasser le sable chéri d’Israël.

Aujourd’hui c’est notre seconde sortie de la soumission, de la discrimination, du joug du plus fort…

Après avoir repris un peu de ce que nous avons perdu, je me pose cette question qui ne cesse de me narguer… Saurons-nous garder notre liberté ? Saurons-nous protéger ce bien acquis après tant de sacrifices ? Saurons-nous le mériter ?

Je veux croire en nous et en notre foi… Je crois surtout que le temps est venu pour que ce nouveau miracle que notre D.IEU a imposé au monde nous insuffle les forces nécessaires pour tenir face à tous ceux qui rêvent de nous anéantir ou de nous disperser à nouveau.

HAG SAMEACH

AM ISRAËL HAI

Thérèse Zrihen-Dvir