Rwanda, la vie après – Paroles de mères au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris le mardi 7 octobre 2014 à 20h30.

 46, rue Quincampoix (accès sous le porche) – 75004 Paris

Pourquoi les mères ?

Parce que si l’on sait les atrocités dont furent victimes les Tutsis pendant le génocide de 1994, on perçoit généralement très mal les séquelles qui empêchent encore souvent les femmes rescapées de se reconstruire.
En juillet 1994, le génocide est stoppé. À partir de ce moment, pour les hommes, le calvaire a pris fin. Par contre, pour les femmes, rien n’est terminé. Des centaines de milliers d’entre elles ont été violées – et donc frappées du sida ; ces viols ne sont pas les « dégâts collatéraux habituels » d’une guerre, ce sont des actions de destruction massive, encouragées, voulues, destinées à désespérer une population minoritaire avant de l’exterminer avec une insoutenable cruauté

Le film est constitué des témoignages de six femmes provenant du Rwanda profond. Ces femmes racontent leur parcours, de la fin du génocide à aujourd’hui : la maladiel’accouchement d’un enfant de génocidaire,  le rejet par ce qui leur restait de famille pour qui il était inconcevable d’accueillir le fils ou la fille d’un tueur,  leur solitude,  la difficulté pendant des années d’assumer cet « enfant de la haine », avant d’apprendre à l’aimer…
En contrepoint, une jeune fille et un garçon issus des viols de ces femmes, racontent à leur tour ce que fut leur enfance.

le rwanda

Il y a vingt ans ce génocide s’est déroulé dans l’indifférence générale de la communauté internationale. Aujourd’hui, ces femmes et ces enfants parlent pour la première fois devant une caméra. Je crois qu’il est important de les écouter.

André Versaille

Histoire d’un film

Mon attachement au génocide des Tutsis est né tardivement, en 2001, lorsque, à Bruxelles, j’ai assisté au procès, de quatre Hutus accusés de génocide. La vision de ces rescapés témoignant de leur douleur et des génocidaires tentant de se défendre, m’ont profondément marqués. Depuis, je n’ai plus arrêté de me documenter.
Trois ans plus tard, en avril 2004, je m’envolais pour Kigali en même temps que la jour- naliste Laure de Vulpian (dont je venais de publier le livre Rwanda, un génocide oublié ? Un procès pour mémoire) et qui s’y rendait « couvrir » pour France Culture, les commémorations du 10e anniversaire du génocide.
Là, pour la première fois, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec des dizaines rescapés, femmes et hommes confondus. Citadins cultivés, ils s’exprimaient en français sur la situation des Tutsis depuis 1959, les discriminations à leur égard, les violences subies depuis 1973 et annoncia- trices du génocide… Mais s’ils parlaient parfois de ce qu’ils avaient personnellement subi, ils ne s’y étendaient pas, et de mon côté je n’osais pas les interroger de manière directe.
À la fin des entretiens, je remerciais bien évidemment mes interlocuteurs pour le temps qu’ils m’avaient consacré. Ils me répondaient invariablement : « C’est moi qui vous remercie. » Je n’y prêtais pas attention, jusqu’au jour où une jeune Tutsie m’a dit : « Ici, on ne parle pas du génocide : le prix de la ‘paix’, et du ‘progrès’, c’est de ‘tourner la page et aller de l’avant’. »
J’ai alors pris conscience d’une chose essentielle que j’avais très mal perçue : la douleur des rescapés coincés dans le silence. Derrière ce que je prenais pour une formule de politesse, il y avait le besoin de parler, non seulement du génocide, mais de la douleur présente, post-gén- ocidaire, dans un pays qui par ailleurs se reconstruisait très bien. Ma vision de la réhabilitation du Rwanda s’est confondue avec la réhabilitation des rues de la banlieue de Kigali, ces rues de terre battue creusées de nids de poule que l’on asphaltait. Mais ce ne sont pas de nids de poule qu’est creusée la route vers le progrès, c’est de nids de douleur, des dizaines et des dizaines de milliers de nids de douleur sur lesquels on passe l’asphalte…
En même temps, j’étais frappé par la rareté des témoignages en regard de l’énormité de l’événement. À cela plusieurs raisons dont la difficulté de traduire sa souffrance par écrit. Écrire est une technique que tout le monde ne possède pas ; par contre, tout le monde sait parler. Et même quand on s’exprime avec difficulté, avec hésitation, la parole touche, frappe. Les silences mêmes sont éloquents. C’est la force du témoignage filmé comme le montre, entre bien d’autres, l’emblématique Shoah. C’est ce qui m’a décidé, dix ans plus tard, à retourner au Rwanda avec ma caméra.

Vous pouvez voir un aperçu du film en cliquant sur ce lien : www.andreversaille.com

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