La Commission européenne a décidé mercredi d’imposer une mention d’origine sur les produits importés des colonies de peuplement juives des territoires occupés.
La commission « a adopté ce matin la mention d’origine pour les produits en provenance des territoires occupés par Israël depuis juin 1967 », a déclaré un responsable de l’UE.
Bruxelles assure qu’il s’agit d’une décision technique mais beaucoup en Israël parlent d’une discrimination inacceptable.

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Peu de textes auront fait couler autant d’encre avant même d’avoir été imprimés. Les «lignes directrices» de la Commission européenne sur l’étiquetage des produits fabriqués dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est ont été validées ce mercredi matin à Bruxelles. Ce document, concocté par un petit groupe d’experts afin d’éviter les risques de fuite, sera ensuite publié au Journal officiel de l’UE. Les responsables israéliens n’ont pas attendu pas cette formalité pour en dénoncer le contenu.

Les Affaires étrangères israéliennes ont accusé l’Union européenne, par cette «mesure discriminatoire» prise pour des «raisons politiques», de compliquer encore davantage la recherche de la paix avec les Palestiniens plutôt que de la favoriser. L‘Etat hébreu a convoqué pour ce mercredi après-midi le représentant de l’Union européenne en Israël, Lars Faaborg-Andersen.

L’adoption de cette «notice», réclamée fin 2012 par le conseil des ministres européens des Affaires étrangères, fut des plus laborieuses. Elle fut repoussée en 2013 dans le souci de ne pas parasiter les négociations patronnées par John Kerry, puis en 2014 pour ne pas interférer avec la campagne électorale israélienne. Il ne s’agit pourtant pas du premier outil dont l’Union européenne se dote pour traduire en pratique ses positions sur le conflit israélo-palestinien.

Depuis une dizaine d’années, déjà, les produits fabriqués en Cisjordanie ne sont plus éligibles aux exemptions de taxes pratiquées dans le cadre de l’accord de libre-échange entre Israël et l’UE. Au cœur de l’été 2013, un premier ensemble de «lignes directrices» a interdit l’attribution de financements européens à des centres de recherches israéliens qui ont des activités dans les Territoires palestiniens. Depuis quelques mois, enfin, l’UE bannit les denrées animales ainsi que les fruits et légumes biologiques produits dans les colonies. «Toutes ces mesures visent à établir une différenciation entre les articles exportés par Israël et ceux qui sont fabriqués dans des territoires occupés en violation du droit international», justifie un diplomate européen.

Craignant sans doute que la publication de cette notice ne provoque une controverse, l’ambassadeur de l’Union européenne à Tel Aviv s’était empressé de banaliser l’événement. «Les biens produits dans les colonies ne peuvent être étiquetés “Made in Israël”, a indiqué Lars Faaborg-Andersen, car l’UE juge cette description incorrecte dans les faits. Mais il s’agit d’une décision purement technique, destinée à permettre une meilleure identification des produits…»

Plusieurs responsables israéliens, visiblement peu convaincus, avaient d’ors et déjà fait connaître leur mécontentement. Benyamin Nétanyahou a condamné une démarche «injuste» et basée, selon lui, sur «une distorsion de la logique qui risque de nuire à la paix». «Les racines du conflit ne sont ni les Territoires, ni les colonies», a balayé le premier ministre. D’autres accusent l’UE de vouloir «délégitimer» Israël, voire d’encourager son boycott – alors même qu’une telle pratique est explicitement condamnée par plusieurs Etats membres. «Boycotter les produits de Judée et de Samarie [le nom biblique de la Cisjordanie] est une façon de boycotter Israël», a ainsi renchéri Tzipi Hotovely, la vice-ministre des Affaires étrangères. L’ex-ambassadeur Freddy Eytan, qui dirige le Centre pour les affaires publiques de Jérusalem, déplore: «La mise à l’index de produits fabriqués par des Juifs nous rappelle de bien sombres périodes.»

De l’avis général, l’application des nouvelles lignes directrices ne devraient pourtant avoir qu’un impact modeste sur l’économie israélienne. On estime à 200 millions de dollars par an le volume des exportations en provenance des Territoires occupés vers l’Europe – soit environ 2% des exports totaux. «Cette politique ne fera qu’égratigner notre économie, mais elle risque de mettre au chômage les nombreux Palestiniens employés par des sociétés israéliennes dans les Territoires», prévient Freddy Eytan.

Martin Konecny, responsable de l’ONG European Middle East Program, défend pour sa part l’adoption de ces «lignes directrices». «Il s’agit d’une pas modeste et tardif dans la bonne direction, estime-t-il. L’UE et ses Etats membres doivent maintenant prendre d’autres mesures pour faire la différence entre Israël et ses colonies. C’est le meilleur moyen de préserver la faisabilité de la solution à deux Etats.» Interrogé sur les réactions épidermique exprimées par certains responsables de l’Etat hébreu, il invite à ne pas dramatiser. «Israël est exaspéré par l’étiquetage des produits issus des colonies, dit-il, mais ce n’est rien en comparaison de l’embargo total imposé aux articles fabriqués en Crimée après son annexion par la Russie.»

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