PARASHAT PINHAS- Shabbat du 20 juillet 2019 – horaires Ashdod : Entrée 19h24 – sortie 20h27

ZELE, FANATISME OU HERESIE ?

Cette péricope annonce toujours les trois semaines de deuil du 17 Tamouz au 9 av.  Trois semaines précédant les catastrophes nationales du peuple juif avec la destruction des deux Temples de Jérusalem du 9 av -586 par Nabuchodonosor et en 70 par Titus…. Après cette date, suivent 7 semaines dites de « consolation ».

En hébreu, le terme employé pour exprimer la notion de zèle est traduite par « jalousie » dans le sens premier du terme qui traduit un attachement extrême pour quelque chose. Un attachement qui force une personne à faire du zèle (pour une cause par exemple). En français, zèle désigne une affection vive pour le service divin (premier sens), le fanatique agit en croyant avoir une inspiration divine car il se passionne à l’excès pour une doctrine par exemple. Un hérétique désigne une personne qui agit de manière déraisonnable sur un point de pensée qui n’est pas partagé par l’ensemble des personnes d’un même groupe.

A la fin de la parashat Balak, de manière à mettre un terme à la débauche des hommes juifs avec les femmes de Midiane et de Moav, le texte présente Pinhas embrochant Zimri ben Salou et Kozbi bat Tsour sur une même lance et dans la position dans laquelle ils se trouvaient en cet instant, pour preuve de leur inconduite.

Le mérite de Pinhas et sa récompense n’apparaissent pas dans ce même texte, mais seulement plusieurs lignes plus loin.

Le midrash rapporte qu’aussitôt après cet évènement, beaucoup d’hommes ont raillé Pinhas en le surnommant « ben Pouty » c’est-à-dire que Pinhas se trouva rattaché par ce surnom à son grand-père maternel. Qui était Pouty ? La Torah donne la généalogie de Pinhas qui était le fils d’Eléazar lui-même fils d’Aharon. Cependant, on sait, de par la Tradition, qu’Eléazar avait épousé une sœur de Tsipora (femme de Moïse) et donc fille de Poutyel[1] (Jéthro) prêtre de Midyane.  En conséquence, les personnes qui étaient témoins de la scène se sont moqué de la rigueur de Pinhas alors que son grand-père maternel, Poutyel était un païen à l’origine…

La sidra met en relief les récompenses que l’acte de Pinhas a rapporté à son instigateur : une vie personnelle quasiment éternelle, le fait que parmi les descendants de Pinhas 18 furent Cohanim Guedolim pendant la période du Premier Temple et 80 (sur 300) furent Cohanim Guedolim pendant la période du deuxième Temple !!!

Que s’est-il passé pour que l’acte de Pinhas soit récompensé de la sorte ? Les Sages ont tous contribué à nous éclairer chacun à sa manière ainsi Sforno avance qu’HaShem a fait en sorte que l’Ange de la Mort n’aura pas de prise sur Pinhas. D’autres indiquent que l’acte de bravoure du héros de cette section hebdomadaire dépassa tous les canons observés jusqu’à ce fameux jour car, Pinhas, avait appris de l’acte de Nadav et Avihou, ses oncles, lesquels, faute d’avoir consulté plus âgés qu’eux, furent ravis à leur famille, en ce qui le concerne, avant d’agir de son propre chef, Pinhas se confia à Moïse et lui demanda son avis lequel fut : si HaShem t’a donné cette inspiration, alors, applique la et c’est parce que cette pulsion était d’ordre tout-à-fait gratuit et mû uniquement par Ahavat Israël et par pur amour de D, que ce seul geste d’embrocher Zimri et Kozbi eut pour vertu d’arrêter la mort de tous ceux qui s’étaient adonnés à la débauche et les autres récompenses suivirent.

Le Maguid de Doubno[2] procéda à une comparaison des actions de Moïse et de celles de Pinhas et conclut que les interventions de Moïse sont arrivées à repousser des sanctions ou à provoquer le pardon divin tandis que les actions de Pinhas ont eu le pouvoir de faire annuler des décrets et, d’après le grand sage lituanien, le mérite en revient au fait que Pinhas au mépris de sa vie, a voulu se sacrifier par amour intégral pour tout le peuple.

Dans la Guemara (Erouvine) sont comparés les actes de Nadav et Avihou qui n’ont pas consulté les Sages avant de présenter un feu qui n’avait pas été commandé alors qu’au contraire, Pinhas a questionné avant d’agir de son propre chef.

A quel danger s’était aventuré Pinhas ? Pourquoi dit-on qu’il a agi au péril de sa vie ? Parce que dans un cas où le peuple était, en grande partie, hystérique et pris de débauche, Pinhas aurait bel et bien pu être assassiné mais il l’a fait par Amour pour D et sans autre ambition ni esprit de recevoir une récompense.

Les Sages font ressortir le fait suivant : si l’on sait que de donner de la tsedaka a le pouvoir de permettre au donateur de devenir riche, celui qui est prêt à donner sa vie pour HaShem, HaShem lui donnera en présent une vie quasiment éternelle !

Un secret de plus à ce propos : puisqu’il savait que souvent on peut avoir un intérêt quelconque dans une affaire, et, en ce cas ne pas être qualifié pour intervenir dans une affaire, Pinhas a voulu être certain de ne pas être impliqué d’une quelconque façon dans cet évènement et ne pas être ainsi soupçonné d’avoir agi parintérêt.

La valeur numérique du nom de Pinhas (פינחס) est de 208 et est égale à celle du nom d’Isaac (יצחק) dont la rigueur était la caractéristique c’est en constatant ces faits que l’on dit que  Pinhas avait pris Isaac pour modèle.

La volonté d’agir, d’imposer, de s’imposer aussi, sont des actes louables et non pas à considérer comme outrecuidants. Ces actes volontaires peuvent être basés sur des domaines différents mais centrés sur la foi que l’homme doit éprouver pour son Créateur. C’est la raison pour laquelle, l’acte de bravoure effectué par Pinhas était un acte de kidoush HaShem vis-à-vis des Moabites dont la volonté était de souiller le peuple et de le dévoyer, tant sur le plan des mœurs que sur le plan des actes religieux.

Un tel épisode exige un examen ou une remise en question : l’homme doit-il pour imposer sa pensée et pour ce faire peut-il arriver à des extrêmes de violence ? En fait, si l’on prend la peine de se glisser dans la peau du personnage, il faut d’abord procéder à l’analyse de l’évènement : et lorsqu’on sait que les protagonistes n’ont pas eu la pudeur de contenir leurs pulsions au point d’en arriver à se livrer à leurs ardeurs devant le Mishkan l’on peut comprendre la colère de D devant un tel comportement et accepter qu’une réaction violente vinsse sanctionner les contrevenants de manière aussi spectaculaire que l’acte auquel se sont livrés Zimri et Kozbi. D’autre part, ce fait prouvant que Pinhas était fou de D au point de condamner à mort ce couple a eu le don de calmer la fureur divine.

De plus, la faute commise par Zimri et Kozbi  ont, dans une certaine mesure,  voilé la Lumière du monde tout comme la faute originelle a privé le monde d’une certaine clarté dont l’homme ne peut plus bénéficier car ses yeux ne peuvent supporter une telle luminosité et continuer à vivre.

Cette lumière (אור en hébreu) a une valeur numérique de 207. Pinhas, devrait s’écrire pé-noun-heth-samekh פנחס   mais, dans le texte de la sidra il s’écrit pé-youd-noun-heth-samekh  ce qui, fait remarquer Shimshon Rephaël Hirsch viendrait signifier qu’il est venu par son acte à exprimer la colère de D (פי  נחץ) mais aussi que, grâce à sa foi et son amour pour D, Pinhas (avec un youd) a une valeur de 208 (207+1) c’est-à-dire que sa foi en D lui a permis de rétablir la lumière qui avait été voilée par tant d’impudeur.   L’impétuosité de Pinhas a sauvé la situation car si Moïse a toujours su prendre défense du peuple juif, en ce moment précis, le conducteur d’Israël se posait une grave question : demain, alors que lui irait rejoindre ses pères qui donc serait le personnage capable de lui succéder ?

Il faudrait quelqu’un de calme, capable de sublimer ses humeurs. Et c’est ainsi que plein d’humilité, il demanda au Créateur de désigner le successeur ou le futur « leader » d’Israël : ce ne fut pas Pinhas, fils d’Eléazar, fils d’Aharon HaCohen mais Josué  dont le nom signifie : que D sauvera, Yé’hoshouâ ben Noun qui, désormais dirigera le peuple à la veille de son entrée dans le pays  que D lui a donné en héritage.

Cette sidra présente un caractère peu habituel car si, nous avons  tout au long de la Bible et en particulier des livres du Pentateuque, l’occasion de  voir évoluer des femmes à la personnalité peu courante, cette parasha va nous permettre de connaître cinq femmes étonnantes : les filles de  Tselofhad, qui était un homme simple marié et père de cinq enfants ou plutôt de cinq filles car il n’avait pas eu de fils. Or, Tselofhad mourut comme un homme normal et le peuple se trouve au moment où  les terrains vont être attribués (par un tirage au sort) aux différentes tribus, aux différentes familles. Les aînés recevront deux parts, les autres fils n’en recevront qu’une mais pas les filles car, censées se marier et quitter leur famille pour celle de leur mari.  Les cinq jeunes femmes se réunirent (le texte dit : se rapprochèrent c’est-à-dire qu’elles se rapprochèrent sans doute autour de la même opinion) et  présentèrent à Moïse l’objet de leur requête  à savoir « récupérer » l’héritage de leur père. Dans son extrême humilité Moïse déclara qu’il voulait soumettre cette requête à D. Le Créateur reconnut qu’elles avaient raison et leur donna la part qui revenait au défunt.

Ceci enseigne tout d’abord que toute personne ayant une requête a le droit de déposer celle-ci qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Le sujet exposé dans cette portion de Torah fait jour à la reconnaissance des droits de la femme. Bien que dans les Pirké Avoth il soit conseillé à l’homme de ne pas prolonger de conversation avec une femme, ou si à certains égards on a l’impression de penser que la femme possède un esprit « léger » c’est uniquement parce que la femme a un esprit « fin » et intuitif preuve en est que D conseille à Avraham d’écouter les conseils de Sara « שמע בקולה » (écoute sa voix).

L’histoire juive est pleine d’exemples de femmes avisées qui ont su, comme les filles de Tselofhad, soulever un sujet qui a fait jurisprudence. Et ceci nous entraînerait à faire un parallèle avec le dicton français  (Rashi s’est bien souvent inspiré de vocables en ancien français pour étayer ses commentaires) : ce que femme veut, D le veut…. Et, force est de constater qu’en l’occurrence, D a accédé aux vœux de ces cinq jeunes femmes.

Caroline Elisheva REBOUH
MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

[1]  Poutyel ou Jéthro avait sept noms : Jéthro, Réouel, Poutyel, Yéther, Hovav, Hever et Queiny.

[2]  Rabbi Yaakov Krantz né en Lituanie en 1740 et mourut en 1805. Il était un très grand prédicateur et était très apprécié notamment par le Gaon de Vilna.

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