PARASHAT MISHPATIM Shabbat du 22-02-2020 -Horaires Ashdod 17 h 12–18 h18

DES TORTS CAUSES………
Très souvent les parashot sont liées les unes aux autres et l’on en saisit le lien. Mishpatim
fait suite à Yitro dans laquelle se trouve le « joyau » qu’est le Décalogue ou « dix
commandements » ou « Assereth HaDibroth » (les dix paroles).

L’un des grands de Safed, Shlomo Alkabetz rédigea, en son temps, un poème que l’on
entonne chaque shabbat dans toutes les communautés du monde sur une mélodie ou sur
une autre en l’honneur de la quatrième « parole » : faire honneur au shabbat. Shlomo
Alkabetz écrivit : « shamor vezakhor bedibour ehad  » « souviens-toi du shabbat et observe le
ont été prononcés en une seule parole » A quoi faisait allusion le poète cabaliste ?

Voici la réponse : rassemblé au pied du mont Sinaï, le peuple sauvé de l’esclavage sur eux
imposé depuis plus de 200 ans, perçut à la fois de manière auditive et visuelle tout ce
qu’HaShem désirait transmettre à Son peuple. Cela se produisit nous enseigne la Tradition
en UNE SEULE PAROLE. Cela nous semble impossible et pourtant c’est ce qui se fit.

Les dix paroles sont, à l’exclusion des deux premières, un tout. Elles sont inséparables, elles forment un tout, une entité et, d’une certaine manière, chacune constitue une sorte de tête de chapitre pour des lois concernant chacune un sujet et ses corollaires.

La péricope ce cette semaine, Mishpatim (les droits) commence par « VeEle » (et voici) ce qui
fit dire à Rashi que cette portion de Torah hebdomadaire est liée à la précédente par
l’inventaire des mitsvoth que contiennent les 10 Paroles. Mais pourquoi commence-t-on par la mitsva de l’esclave hébreu ?

Le Talmud Yéroushalmi enseigne que lorsque Moïse, investi de la mission confiée par
HaShem, est arrivé en Egypte, il a dû s’acquitter d’un devoir : aller enseigner ses frères que dans la Torah qui serait dédiée à ce peuple, des lois concernant les esclaves juifs comme les non-juifs seraient prévues car, eux, les Juifs, ont été esclaves dans la maison d’Egypte et ils ne devront jamais l’oublier et l’appliquer.

Cependant, le Ramban ou Nahmanide (1), établit une étude parallèle entre les dix paroles et le texte de Mishpatim en ramenant le fait que certains versets sont littéralement l’explication et l’application des 10 Paroles, en soulignant le fait que certaines paroles sont en rapport direct entre l’homme et son Créateur ou entre l’homme et son prochain.

Pour Nahmanide, la première loi est à mettre en parallèle avec la première parole où
HaShem affirme nous avoir fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage et donc, en conséquence la « première » loi concerne les esclaves juifs en toute logique.
Et, en parallèle, dans le Deutéronome, il sera ordonné à l’employeur, au moment de rendre
sa liberté à l’esclave, de lui donner des indemnités proportionnelles à son séjour chez l’employeur…. Tout comme les Hébreux sortirent d’Egypte avec des vases d’or et d’argent, en indemnités pour avoir servi l’Egypte pendant tant d’années…(Parashat Re’eh, Chapitre XV verset 15 : mitsvat ha’anaka).

Le Ramban pousse son analyse plus loin encore en rattachant cette mitsva de renvoyer l’esclave juif la septième année en dressant un parallèle entre ce point et la mitsva de la « shemita » ou année shabbatique. Ainsi, de même que la septième année, la terre sera « libérée » de son travail, l’esclave acheté sera libéré virtuellement la septième année. Ainsi, la faute commise par la personne juive sera pardonnée. Néanmoins, le « Kli Yakar » (2) , Rabbénou Behayé (3) –  le Hemdat HaYamim (4) et le Megaleh Amoukot (5), pose des questions judicieuses concernent d’une part l’emploi du terme « ivri » (hébreu = esclave hébreu) dans le texte de la première loi et d’autre part l’emplacement de celle-ci. Rabbénou Behayé opère une analyse précise des différents cas où le mot « ivri » est
employé comme c’est le cas ici dans cette péricope où il est question d’esclave hébreu.
Rabbénou Behayé fait remarquer qu’il est question dans la Genèse d’Abraham l’Hébreu, de
Joseph esclave hébreu, du pays des Hébreux, puis, Myriam s’adressant à Bithya fille de
Pharaon propose à celle-ci une nourrice choisie « parmi les Hébreux » pour nourrir Moshé et,
conclut le fameux exégète cette appellation cessa à l’approche du Mont Sinaï pour être
reprise lors de l’appellation dans Mishpatim d’esclave hébreu pour quelle raison ? Sa
réponse est que d’après lui, il s’agit de quelqu’un de déchu, car il faut rappeler ce qu’est un
esclave hébreu d’après la législation : un quidam qui aurait volé quelque objet ou quelque
somme que ce soit s’il ne peut rembourser, il sera vendu comme esclave hébreu. S’il peut
rembourser il n’est pas vendu. S’il ne peut rembourser il est donc un voleur et un homme vil.

Qui dans l’histoire du peuple juif a été dépossédé de « son bien » et fut vendu comme esclave hébreu ? Joseph ! Lui qui, dans ses divers avatars avec la femme de Putiphar, lors de son emprisonnement etc… apparaît encore et toujours comme esclave hébreu.

Le fait d’avoir été vendu par ses frères à cause de cette haine gratuite qui les animait
constitua une faute capitale qu’il sera difficile d’effacer comme nous l’expliquerons plus loin.
Le Kli Yakar et Behayé s’entendent aussi sur le fait que cette vente fut la cause immédiate de la descente en Egypte : vous avez vendu votre frère en Egypte comme esclave, vous le serez vous-même en expiation de cette si grave faute.


1 – Ramban acronyme de Rabbi Moshé ben Nahman ou Nahmanide Né à Gérone en Espagne (Catalogne) en 1194 et décédé à St Jean d’Acre (Ako) en 1270. Fut Rabbin, philosophe, médecin, cabaliste et exégète sur la Torah En particulier et sur la Bible en général.

2 – Le Kli Yakar est souvent cité il s’agit d’un exégète du nom de Rabbi Shlomo Ephraïm de Lountchits qui naquit en 1550 en Pologne et mourut en 1619 à Prague en Tchéquie actuelle.

3 – Commentaire très classique sur la Torah de Rabbénou Behayé ben Asher Ibn Haloua de Gérone né à Saragosse en Espagne en 1255 et mort en 1340.

4 – Rav Israël Yaakov Algazi d’Izmir semble avoir trouvé à Safed ce manuscrit -sans nom d’auteur – qui est empli de la science cabalistique inspirée de l’enseignement du Ari zal. Le livre fut imprimé pour la première fois à Izmir en 1731 et fut réédité à 7 reprises en l’espace de 30 années.

5 – Rabbi Nathan Nétâ Shapira né à Cracovie en Pologne en 1584 et mort en 1633 en Pologne également. Fut Rabbin et cabbaliste. Le Alshikh HaKadosh (6) , pour sa part, s’étonne du fait que, lorsque D a annoncé à Abraham que sa descendance serait exilée 400 ans, le Patriarche ne s’est pas mis à marchander pour sa descendance alors qu’il l’avait fait pour les gens de Sodome et Gomorrhe ? C’est, dit-il, parce qu’il savait qu’il y avait une autre faute à expier : celle du serpent qui « pollua » Eve lors de la faute de la consommation du fruit de l’arbre défendu.
Néanmoins, il est un fait reconnu c’est que la descendance de Jacob n’est pas restée 400 ans en esclavage ! Alors, pourquoi la peine fut-elle réduite de 400 à 210 ans ?….
Les exégètes cités plus haut s’entendent en général pour constater que la haine gratuite qui existait entre les frères de Joseph n’exista plus et il y eut , en conséquence, un
raccourcissement de la peine encore que les fils d’Israël furent contraints de se purifier de
l’impureté de l’Egypte 50 jours durant avant de recevoir la Torah…..
Méïr Simha HaCohen (7), met l’accent, dans son commentaire sur la parashat Aharé Mot, sur le fait que dans la prière de la Amida de Yom Kippour (shemona essré), il est écrit entre autres :
.ישראל לשבטי ומוחלן לישראל סולחן אתה כיSoit : « car Tu pardonnes à Israël et pardonnes aux
tribus d’Israël. D’après donc cet exégète relativement contemporain, « solhan leIsraël » est
une allusion à la faute du serpent et « shivté Israël » est une allusion à la faute de la vente de Joseph, ces deux énormes fautes que nous n’aurons plus à expier dès l’arrivée du Messie.

6 – Moshé Alshikh né en 1508 à Edirne dans l’empire Ottoman (Adrianopolis) et mort en 1593 à Safed
rabbin cabbaliste.
7 – Méïr Simha HaCohen auteur du Méshekh Hokhma (1843-1926) – Lithuanie

Caroline Elishéva REBOUH