Percée mondiale pour le traitement du cancer du cerveau : Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont réussi à éradiquer les tumeurs cérébrales chez des souris en détruisant leur « source d’énergie »

Une étude révolutionnaire réalisée par la doctorante Rita Perelroizen, sous la supervision du Dr. Lior Mayo de l’Ecole de biomédecine et de recherche sur le cancer et de l’Ecole des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv a réussi pour la première fois à éradiquer totalement des cellules de glioblastome, l’un des cancers du cerveau les plus agressifs et invasifs, en inhibant deux mécanismes critiques qui favorisent la croissance et la survie de ces tumeurs mortelles. Ces découvertes qui retentissent déjà dans le monde médical fournissent une base prometteuse pour le développement de médicaments efficaces pour le traitement de ce cancer actuellement sans traitement, ainsi que pour d’autres types de tumeurs cérébrales.

Lior Mayo Les résultats de l’étude, menée en collaboration avec le Prof. Eytan Ruppin des Instituts de la santé (NIH) aux États-Unis, ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Brain dans laquelle  ils ont fait l’objet d’un commentaire scientifique par des chercheurs de l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin.

Les tissus qui entourent la tumeur

« Il n’existe aujourd’hui aucun traitement médical à long terme du glioblastome », explique le Dr. Mayo. « Il résiste à toutes les thérapies connues. L’espérance de vie des patients atteints est en moyenne de deux mois après la découverte de la maladie, et n’a pas changé au cours des 50 dernières années. Nous avons choisi de relever le défi de ce cancer sous un nouvel angle : au lieu de nous focaliser sur la tumeur elle-même, nous nous sommes concentrés sur son microenvironnement, c’est-à-dire sur les tissus qui entourent la cellule tumorale. Plus précisément, nous nous sommes attaché à l’étude de cellules appelées astrocytes, cellules cérébrales découvertes il y a environ 200 ans, dont le nom découle de leur forme en étoile. Ces cellules gliales forment l’environnement des neurones et sont responsables de l’activité cérébrale normale. Au cours de la dernière décennie, les recherches ont révélé qu’elles avaient également des fonctions supplémentaires, en autre dans le cadre de diverses maladies du cerveau, qu’elles atténuent ou aggravent. En observant des cellules de glioblastome au microscope, nous avons découvert qu’elles étaient entourées d’astrocytes, et nous sommes demandé quel rôle qu’ils remplissaient dans le développement de ce cancer ».

astrocytes580Pour répondre à cette question, les chercheurs ont utilisé des souris génétiquement modifiées, dans lesquelle ils pouvaient éliminer les astrocytes actifs autour de la tumeur. Ils ont alors découvert qu’en présence d’astrocytes, le cancer était mortel à 100%, et toutes les souris atteintes mourraient en 4 à 5 semaines. Par contre, lorsqu’ils ont fait disparaitre les astrocytes de l’environnement de la tumeur, le résultat a été spectaculaire : le cancer a disparu en quelques jours et toutes les souris traitées ont survécu, la plupart d’entre elles survivant même après l’arrêt du traitement.

« En l’absence d’astrocytes, le cancer a disparu et, dans le plupart des cas, il n’y a pas eu de rechute, ce qui indique que les astrocytes sont essentiels pour la progression et à la survie de la tumeur mortelle », commente le Dr. Mayo. « Nous avons donc étudié les mécanismes sous-jacents à ce phénomène : comment les astrocytes se transforment-ils de cellules aidant l’activité cérébrale normale en cellules qui favorisent la croissance des tumeurs malignes ? »

Des «bonnes» cellules qui deviennent «mauvaises»

Les chercheurs ont alors comparé l’expression génique d’astrocytes provenant de cerveaux sains et de tumeurs de glioblastomes, et ont découverts que les astrocytes exposés au glioblastome subissent deux changements principaux. Le premier concerne la réaction immunitaire à la tumeur.

« La masse tumorale comprend jusqu’à 40 % de cellules immunitaires, principalement des cellules macrophages recrutées dans le sang ou dans le cerveau lui-même. De plus, les astrocytes peuvent envoyer des signaux qui appellent les cellules immunitaires vers les zones du cerveau qui ont besoin de protection. Dans cette étude, nous avons constaté qu’en présence de tumeurs de glioblastomes, les astrocytes continuent de jouer ce rôle, mais une fois les cellules immunitaires parvenues sur la tumeur, ils les « persuadent » de « changer de camp » et d’aider le cancer au lieu de l’attaquer. Plus précisément, nous avons découvert que les astrocytes provoquent la secrétion par les cellules immunitaires de protéines spécifiques qui empêchent les autres cellules immunitaires (les lymphocites) d’attaquer la tumeur, et donc en fait la protègent et lui permettent de continuer de croître », explique le Dr. Mayo.

Lior Mayo laboLe deuxième changement par lequel les astrocytes aident le glioblastome concerne leur accès à l’énergie, en particulier au cholestérol. « Les tumeurs de glioblastome ont besoin d’une grande quantité d’énergie pour se multiplier, mais la barrière hémato-encéphalique leur barre l’accès aux sources d’énergie en provenance du sang », explique-t-elle. « Elles doivent donc puiser cette énergie dans le cholestérol produit par le cerveau lui-même, notamment dans « l’usine à cholestérol » constituée par les astrocytes, qui fournit généralement de l’énergie aux neurones et autres cellules cérébrales. Nous avons découvert que les astrocytes entourant la tumeur de glioblastome augmentent leur production de cholestérol pour le fournir aux cellules cancéreuses. Les tumeurs de glioblastome sont donc dépendantes de cette source d’énergie pour leur survie. Par conséquent, nous avons émis l’hypothèse que l’élimination de cet approvisionnement « affamerait » la tumeur ».

Les chercheurs ont donc modifié les astrocytes proches de la tumeur pour qu’ils cessent d’exprimer lune certaine protéine (ABCA1), les empêchant ainsi de libérer du cholestérol dans la tumeur. Là aussi, les résultats ont été spectaculaires : sans accès au cholestérol produit par les astrocytes, la tumeur est en fait « morte de faim », disparaissant en quelques jours. Ces résultats remarquables obtenus sur des souris ont été vérifiés sur des échantillons de glioblastome prélevés sur des patients humains.

Surmonter la baririère hémato-encéphallique

« Ces travaux jettent un nouvel éclairage sur le rôle de la barrière hémato-encéphalique dans le traitement des maladies du cerveau », note le Dr. Mayo. « Le but normal de cette barrière est de protéger le cerveau en empêchant le passage de substances du sang vers lui. Mais en cas de maladie cérébrale, elle rend difficile le passage des médicaments, et est donc considérée comme un obstacle aux traitements. Nos résultats suggèrent que, au moins dans le cas spécifique du glioblastome, la barrière hémato-encéphalique peut au contraire être bénéfique, car elle créée une vulnérabilité de la tumeur, qui dépend entièrement du cholestérol produit par le cerveau lui-même. Nous pensons que cette faiblesse peut se traduire par une opportunité exceptionnelle sur le plan thérapeutique ».

Dans une étape suivante, les chercheurs ont examiné des bases de données de centaines de patients atteints de glioblastome et ont trouvé une corrélation directe entre les résultats de l’étude et la durée de survie des patients : « Pour chaque patient, nous avons comparé la durée de survie et le niveau d’expression des gènes liés aux deux phénomènes de transformation des astrocytes en contact avec le glioblastome : neutralisation de la réaction immunitaire, et approvisionnement en cholestérol. Nous avons constaté que les patients présentant une faible expression de ces gènes vivaient plus longtemps, d’où la conclusion que ces gènes sont liés à la survie des patients atteints de glioblastome ».

« Nous possédons actuellement les outils pour éliminer les astrocytes entourant la tumeur chez les souris, mais pas chez les humains. Le défi consiste à présent à développer des médicaments qui inhibent les mécanismes identifiés dans cette étude par lesquels les astrocytes favorisent la croissance tumorale », conclut le Dr. Mayo. « Nous pensons que cette étude constitue une percée considérable dans la lutte contre le glioblastome, et espérons que nos résultats serviront de base au développement de traitements efficaces pour ce cancer du cerveau mortel, qui reste sans traitement efficace jusqu’aujourd’hui, et pour d’autres types de tumeurs cérébrales ».

Photos:

1 et 3. : le Dr. Lior Mayo
2.  Cellules astrocytes vues au microscope.
(Crédit: Université de Tel-Aviv)

https://www.ami-universite-telaviv.com