Le désir des proches, des parents ou de la conjointe de laisser un souvenir du défunt est humain et plus que compréhensible. Face à ce souhait, émanent des questions sur le vœu du défunt lui-même : était-ce vraiment son désir, ou les proches agissent-ils uniquement selon leurs propres souhaits ? Lequel des proches est le plus qualifié pour évaluer la volonté du défunt ? Une autre question et la plus importante concerne le bien-être de l’enfant – est-il sain qu’un enfant naisse dans un tel contexte ?

La chanteuse ShayLee ATARY dont le mari a été assassiné à Kfar Aza ne pourra finalement pas utiliser son sperme, mais elle a éveillé les consciences sur le sujet. Elle voulait utiliser le sperme de son mari pour donner naissance à un frère ou une sœur à leur fille âgée d’un mois. Sa demande a été acceptée, l’identification a été faite, mais à la fin du processus, il s’est avéré que le sperme de son mari ne pouvait plus être utilisé en raison du temps écoulé. Son cri de détresse a sensibilisé l’opinion publique à la possibilité d’un prélèvement de sperme post-mortem sur le défunt.

La question du prélèvement et de l’utilisation du sperme du défunt n’est pas réglementée par la loi, mais par une directive du Procureur général datant de 2003. La directive stipule que seule la conjointe du défunt peut demander de recevoir de la part du tribunal l’autorisation d’utiliser le sperme de son défunt compagnon, et ce, en prenant en considération le désir du défunt d’avoir des enfants ou non et en particulier après son décès, en fonction des circonstances de chaque cas et des témoignages des proches du défunt. Il ressort également de cette directive que les parents du défunt n’ont aucun droit, ni statut juridique concernant l’utilisation du sperme de leur fils après son décès.

La Cour suprême a débattu sur la question en 2016 et a établi une règle directrice basée sur la directive du Procureur général susvisée. Conformément à cette règle directrice, en l’absence d’instruction explicite du défunt, et à condition que ce dernier avait une compagne permanente avant son décès, seule celle-ci pourra utiliser son sperme. L’on présume donc que le défunt souhaitait avoir des enfants avec sa compagne permanente.

Dans une décision datant de septembre 2016 le tribunal familial de Petah Tikva a autorisé les parents endeuillés du défunt Omri SHAHAR za’’l, tombé comme soldat lors de son service permanent, à utiliser le sperme de leur fils dans le cadre d’une procédure de mère porteuse – les parents du défunt soldat étant ceux qui élèveront l’enfant en tant que grands-parents sans implication d’un parent biologique. La compagne d’Omri SHAHAR za’’l a apporté son soutien à la demande des parents endeuillés de féconder le sperme de leur défunt fils par l’intermédiaire d’une mère porteuse et d’élever l’enfant eux-mêmes, mais elle n’a pas souhaité concevoir et devenir mère à partir du sperme de son défunt compagnon.

Malgré cela, dans un appel déposé par le Parquet auprès de la Cour Suprême, il a été déterminé que les parents ne pourraient pas utiliser le sperme de leur fils décédé dans le but d’avoir un enfant par l’intermédiaire d’une mère porteuse n’étant pas la conjointe du défunt. La Cour d’appel a donc réaffirmé ses précédentes décisions dans lesquelles il avait été fixé que seule la conjointe pourrait utiliser le sperme à des fins de fertilisation et donc de devenir mère. La Cour suprême a ajouté et déclaré qu’il n’y a pas lieu de briser les limites du principe sous-tendu dans la directive du Procureur général de 2003, selon laquelle tant que le défunt n’a pas exprimé son désir exprès concernant le prélèvement et l’utilisation de son sperme après son décès, l’utilisation du sperme ne sera autorisée qu’à la demande de sa partenaire et uniquement dans le but que cette dernière féconde.

En 2017, la question de l’utilisation du sperme d’un militaire de 22 ans en service régulier, décédé d’une maladie incurable et sans conjointe, a été évoquée. Il a été déterminé que dans un tel cas, il ne fallait pas se contenter de la volonté présumée du défunt, mais prouver sa volonté expresse d’utiliser son sperme après son décès. Le tribunal a autorisé les parents du défunt à lui soumettre une demande en ce sens à condition qu’il existe une femme disposée à concevoir à partir du sperme du défunt soldat et à être la mère de l’enfant à naître.  Dans le jugement rendu, il fut indiqué qu’une telle décision serait acceptée après qu’un rapport des services sociaux aura été rendu et qu’un accord réglementant le statut des parents du défunt (reconnus comme grands-parents de l’enfant à naître) aura été soumis à la mère d’intention.

En 2020, la Cour suprême a réaffirmé sa jurisprudence coutumière concernant l’utilisation du sperme du défunt après son décès même si la personne décédée n’avait pas de compagne – le critère déterminant étant le désir exprès ou supposé du défunt qu’une telle utilisation soit faite de son sperme après sa mort.

En pleine guerre, les médias ont annoncé le 11.10.23 qu’une nouvelle directive avait été émise par le Procureur général selon laquelle il serait possible, dans certains cas, de prélever du sperme sur des personnes décédées même si la demande émanait des parents du défunt. Cela se limite, toutefois, au prélèvement de sperme et à sa conservation et non à son utilisation et à condition que la conjointe ne s’y oppose pas, et ce, afin de permettre le prélèvement en question dans les meilleurs délais. L’utilisation du sperme prélevé sera, en tout état de cause, soumise aux décisions du tribunal.

On peut supposer que la difficile réalité dont nous sommes témoins obligera les tribunaux à se pencher à nouveau sur ces questions et à les réexaminer à la lumière des circonstances qui se sont produites, eu égard à la grande rupture vécue par tout un pays et, tout en équilibrant les différents intérêts. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant prime avant tout.

Article paru dans Israel Magazine

Me Liane Kehat, avocate