Je vous dois une confession : cet article m’a été demandé et j’ai longtemps hésité sur la façon d’aborder un épisode de notre histoire, tragique et, oserai-je le qualifier ainsi, de  « dérangeant ». Il s’agit de ces trois chapitres du livre des Juges (XIX, XX et XXI) dans lequel est rapporté le viol horrible d’une femme sur la place publique d’un village situé après la ville de Jébus, en direction des monts d’Ephraïm.

L’histoire est celle-ci : Un homme, appartenant à une famille Lévy et résidant dans la région des Mts d’Ephraïm, après que sa concubine fuît et se réfugiât chez son père, pendant un an et 4 mois, partit à sa recherche chez le père de la jeune-femme à Beith Léhem en Yéhouda, et la convainquit de revenir chez lui. Un certain nombre de jours s’écoula et l’homme et sa concubine/maîtresse, accompagnés d’un jeune serviteur se mirent en route un peu tard. Arrivés à hauteur de Jébus, le serviteur suggéra à son maître de chercher un toit dans cette ville mais, l’homme refusa prétextant qu’il ne s’agissait point d’une ville juive (à l’époque) et il poursuivit sa route jusqu’à ce que l’obscurité s’installe, ne pouvant poursuivre leur route ils s’arrêtèrent, en Binyamine, sur la place d’un village nommé « Guiv’a ». Ils attendirent longtemps que quelqu’un leur proposât l’hospitalité mais rien ne se produisit puis, après une longue attente supplémentaire, ils avisèrent un vieil homme revenant des champs et celui-ci leur proposa l’hospitalité. Peu de temps après, les hommes de la ville ou, tout au moins, une partie d’entre eux, se précipitèrent chez le vieillard exigeant de faire sortir cet invité pour le violer. Le vieillard s’y opposa de manière véhémente et persuasive et proposa à ces hommes de se servir de sa propre fille et de la concubine pour assouvir leurs instincts. Au petit matin, l’homme se leva et, en ouvrant la porte de la maison trouva sa maîtresse étendue sur le seuil, une main dressée, comme si elle avait l’intention de demander de l’aide. Après lui avoir ordonné de se redresser, il comprit qu’elle avait succombé à la violence de ces hommes qui l’avaient violée durant toute la nuit. Constatant ceci, l’homme partagea la dépouille en 12 morceaux et envoya une « part » de ce corps à chacune des douze tribus. Ce qui attisa la colère de toutes les tribus contre la tribu de Binyamine qui fut décimée lors d’un combat acharné et, furent interdites aux autres tribus les filles issues de Binyamine puis, pour ne pas effacer définitivement l’une des 12 tribus ils eurent recours à un stratagème pour « reconstruire » cette tribu.

La question qui se pose est de savoir quel est le point de départ de cette « expédition punitive » contre Benjamin ? 

De nombreux chercheurs se sont attelé à ce texte pour l’appréhender et l’analyser de diverses manières et sous différents points de vue ce qui rend la tâche très difficile car la controverse peut générer des réactions très vives selon l’angle sous lequel on aborde le problème.

Ce qui m’a heurtée et, je ne suis pas la seule à penser ainsi, c’est ce qui saute aux yeux : le manque de solidarité face à l’adversité, c’est l’indifférence dans laquelle s’est déroulée toute cette affaire. En effet, nous appartenons à un peuple où nous nous devons d’être solidaires les uns des autres, où nous nous devons d’aider et de secourir non pas seulement les Juifs mais tous les hommes et les femmes et les enfants et, pas seulement entre nous les humains mais même si une bête souffre nous devons l’aider alors, que s’est-il véritablement passé ? Cette femme, en prise à la foule de ces hommes sauvages remplis de fureur, n’a-t-elle pas crié ? N’a-t-elle pas demandé du secours ? Cet acte insensé n’a-t-il pas été perpétré avec des cris, des hurlements, des appels ? Personne n’a-t-il entendu ? ou bien est-il possible que personne n’ait osé se « mêler » ??

Que l’on m’excuse de citer ici des vers de Maurice Vidalin qui écrivit les paroles d’une chanson magnifique mais si dérangeante de Gilbert Bécaud :  « L’indifférence, elle te tue à petit coup, ….L’indifférence, tu es l’agneau elle est le loup »…  car, si l’homme ne se régente pas, n’agit pas, il se fera avaler par l’absence de réaction…. Par l’indifférence totale de la population de « Guiv’a ». Il eût fallu que les habitants de Guiv’a sortent de chez eux et empêchent cet acte horrible. Montrer de la solidarité avec cette femme. Cette responsabilité morale de chacun et qui plus est de tout ce village est à dénoncer car personne ne s’est soucié de ce qu’il pouvait arriver.

Certes, cet épisode douloureux est arrivé à une époque où il n’y avait pas encore de souverains en Israël mais aujourd’hui encore se produisent des catastrophes que nous déplorons bien avant même que nous ne déplorassions notre manque d’engagement aux côtés des plus faibles, aux côtés de ceux qui ne peuvent se défendre….. Et, nous devrions pouvoir nous engager vis-à-vis de tous pour défendre les droits de tous ceux qui sont opprimés car telle est la Torah : nous devons être solidaires et en éveil toujours prêts à aider et secourir, en argent, matériellement, physiquement, moralement….hier, aujourd’hui, demain, et….. toujours………

Dr Caroline Elisheva Rebouh PhD.
ד »ר קרולין אלישבע רבוה בן אבו
Etudes Juives